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que le nombre des habitans de la France ait notablement accru durant cette période, et, ce qui le prouve, c’est la hausse des céréales. Dans la seconde moitié du XIIIe siècle, l’hectolitre de blé valut en moyenne 6 francs ; dans le premier quart du XIVe siècle, il valut 8 tr. 65, soit une augmentation de 40 pour 100. Le prix moyen de 222 francs l’hectare, pour l’ensemble du royaume, de 1301 à 1325, quoique inférieur de 15 pour 100 à celui du dernier quart du siècle précédent, n’en demeurait pas moins supérieur de 60 pour 100 au prix pratiqué sous le règne de Philippe-Auguste (135 fr.) et de plus du double à ceux de la fin du XIIe siècle. Ce chiffre de 222 francs ne se retrouvera plus d’ailleurs que sous Henri II, dans la période comprise entre 1551 et 1575.

Notre terre labourable actuelle peut être évaluée à 1,600 francs l’hectare en 1892 ; l’enquête de 1884 donnait le chiffre cité plus haut, de 1,785 francs ; mais, d’une part, ce chiffre comprenait le sol de la propriété bâtie, de l’autre, la crise agricole a, depuis 1884, influé sur les cours. Pour ces motifs, j’ai ramené à 1,600 francs le prix de l’hectare contemporain. Ce chiffre étant pris pour base, la valeur de la terre, au commencement du XIIIe siècle, lui est près de douze fois inférieure : 135 francs de 1201 à 1225 ; elle n’est que six fois plus faible en 1276-1300, puis elle retombe à moins du septième de son prix actuel (222 francs) en 1301-1325. Comme le pouvoir général de l’argent n’était, à cette époque, qu’environ quatre fois supérieur à ce qu’il est aujourd’hui, on voit que la marchandise-terre a non-seulement conservé sa valeur intrinsèque, par rapport aux autres marchandises, et que l’avilissement des métaux précieux ne lui a porté aucun préjudice, mais encore qu’elle a augmenté, dans le sens positif et absolu du mot, puisqu’un hectare de terre vaut six à douze fois plus qu’il ne valait de 1200 à 1325, tandis que l’ensemble des choses susceptibles d’être vendues ou achetées, que la journée d’un manœuvre par exemple, ne valent que quatre fois plus cher.

Cette augmentation de la terre qui, de 135 francs l’hectare sous Philippe-Auguste, de 206 francs sous saint Louis, de 261 francs sous Philippe le Bel, l’a porté à 1,600 francs à la fin de notre XIXe siècle, n’a nullement été constante et ininterrompue, comme les propriétaires de nos jours se le figurent généralement. Cette hausse, au contraire, a subi de brusques reculs. Le plus important de ces reculs commence à l’avènement de la dynastie des Valois, dans la période 1326-1350. La moyenne, qui avait été de 222 francs durant les vingt-cinq premières années du XIVe siècle, tombe tout d’un coup à 108 francs. La baisse est universelle ; de 240 francs à 160 dans l’Ile-de-France, de 360 francs à 130 en Normandie, de 120 francs à 60 en Saintonge…