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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 118.djvu/859

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entravé la renaissance matérielle, qui accompagnait l’autre renaissance, celle des arts et des lettres.


III.

L’augmentation de la terre semble, à vrai dire, subir un temps d’arrêt de 1501 à 1525. La moyenne de cette période est de 95 francs contre 97 dans les derniers vingt-cinq ans ; tandis qu’elle atteignit 132 francs en 1526-1550. Même les prix de plusieurs provinces, qui avaient haussé à la fin du XVe siècle, paraissent s’alourdir au commencement du XVIe Cependant « la tierce partie du royaume, écrit Seyssel, le panégyriste du règne, est réduite à culture depuis trente ans… » Mais c’est là précisément ce qui retarde la plus-value de la propriété foncière, dans son ensemble, pendant le premier quart du XVIe siècle.

La population était très faible encore sous Charles VIII, elle l’était sans doute plus que du temps de saint Louis ; et, à mesure qu’elle s’accroissait, on mettait, ou mieux on remettait en valeur une masse de fonds qui avaient été abandonnés et étaient revenus à l’état de nature. C’est même pour cela que le blé, et en général le coût de la vie augmente peu, et que les salaires ne baissent pas, quoique le peuplement progresse, parce que l’agriculture absorbe tout le surplus de production humaine, et en tire un supplément de denrées et de matières premières correspondant, qui, prenant place sur le marché, paralyse heureusement le mouvement ascensionnel des prix.

Cet état de choses était forcément limité dans sa durée. Il vint un moment où la population fut plus abondante, où les terres furent moins offertes, et où par conséquent elles montèrent. L’hectare labourable passa de 95 francs (1501-1525) à 241 francs (1551-1575) et à 317 francs en 1576-1600. Le XVIe siècle, à ne considérer que la valeur intrinsèque du métal, aurait donc été l’époque de la plus forte hausse de la propriété foncière, hausse plus grande que celle à laquelle nous avons assisté depuis cent ans, plus grande même que l’extraordinaire élévation des prix qui signale le XVIIIe siècle, de 1750 à 1790. Mais il faut tenir compte de la baisse du pouvoir de l’argent qui, de 1526 à 1600, fut la conséquence de la découverte de l’Amérique. Par suite, les 95 francs de Louis XII valent environ 160 francs de Charles IX et 210 francs d’Henri III, et la hausse absolue de l’hectare de terre n’est pas, comme elle paraît au premier abord, de plus de 200 pour 100, mais seulement de 50 pour 100.

Toutefois, et cette observation est capitale, parce qu’elle s’applique à tous les âges et qu’elle mérite d’être opposée aux doléances des