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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 119.djvu/298

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sous ses ordres, sans en concevoir le moindre ombrage, sans y prêter la plus légère attention. Aucun corps militaire n’était spécialement préposé à la garde de la capitale ; l’administration de cette ville n’avait pas une compagnie de cent hommes, excepté les pompiers, qui fût sous son commandement, car la gendarmerie n’obéissait qu’à ses chefs, soumis à la division ou à leur inspecteur-général, le maréchal Moncey. On ne pouvait donc avec raison accuser que la police militaire ; elle aurait dû informer l’état-major de la place des mouvemens qui s’opéraient sans qu’elle en eût donné l’ordre ; elle aurait dû s’en apercevoir d’autant plus aisément qu’ils avaient duré plus de trois heures, depuis l’apparition de Malet à la caserne Popincourt jusqu’à son arrivée à la prison de la Force.

Le tort remontait au général Hulin, qui l’a, à peu de chose près, payé de sa vie. L’archichancelier, le ministre de la police et moi, nous écrivîmes à l’empereur ; profondément irrité par cette étrange aventure, sa colère fut accrue par les récits de ses correspondans, toujours très empressés à se faire valoir aux dépens des autres.

Le duc de Rovigo avait beaucoup d’ennemis, parmi lesquels se trouvait le ministre de la guerre. Le duc de Feltre, désireux de détourner les reproches que méritait peut-être son administration, imagina l’existence d’un complot ourdi depuis longtemps, qui, selon lui, aurait dû être connu de la police. Il n’hésita pas à soutenir que Malet avait de nombreuses intelligences dans le sénat. J’eus bientôt la certitude qu’il avait écrit dans ce sens à l’empereur. Les gens de cour n’étaient guère plus favorables que lui à l’administration de la police. Il fut aisé de juger, par le langage et l’attitude des personnes qui entouraient l’impératrice et le roi de Rome, que leurs récits seraient peu bienveillans. Croyant avoir trouvé une bonne occasion de signaler leur zèle, ils affectaient une vive indignation contre l’inhabileté de cette police qui n’avait pas su prévenir un complot où le principe sacré de la légitime succession au trône avait été si audacieusement contesté.

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L’empereur arriva à Paris le 18 décembre, au milieu de la nuit ; il ne vit le lendemain que l’archichancelier, ses ministres et ses familiers les plus intimes. Je sus que, malgré les graves préoccupations qui devaient assiéger son esprit, il avait trouvé le temps de parler de la conspiration Malet, s’enquérant des plus petits détails. Il y attachait donc une grande importance.

Le surlendemain, dimanche, il donna son audience accoutumée au sortir de la messe. J’y assistai ; ce fut le premier moment où je