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publiquement leurs comptes : elles avaient, en 1891, 229 126 membres, leur capital propre était de 5 576 000 francs, leurs réserves de 2 832 000 francs, les capitaux empruntés montaient à 5 985 000. D’autre part, les ventes faites aux membres n’atteignaient que 79 millions de francs ; on ne parle pas des ventes faites aux étrangers, mais elles ne doivent pas être bien considérables. Les bénéfices nets sont portés, en effet, pour 8 673 000 francs[1] ; or, en général, les bénéfices dépassent 10 p. 100 du montant des ventes. Si l’on veut tripler ce chiffre d’affaires de 79 millions de francs, pour tenir compte tant des ventes faites aux non-adhérens que des sociétés de consommation qui n’ont pas publié leurs comptes, on n’arriverait encore qu’à 237 millions de francs, chiffre modique pour un aussi grand pays comptant plus de 46 millions d’âmes. Il convient, cependant, de citer la grande société coopérative de Breslau, la plus importante d’Allemagne, et peut-être, pour le nombre de ses adhérens, du monde entier : elle comptait, en effet, 31 214 membres en 1891, elle avait 48 magasins, faisait 11 600 000 francs de ventes, réalisait 1 248 000 francs de bénéfices nets, dont la presque totalité, soit 1 142 000 francs, était distribuée aux acheteurs, à raison de 10 p. 100 du montant de leurs achats.

En Italie, comme en Allemagne, la coopération s’est surtout portée vers le crédit. Néanmoins, il s’y trouve, particulièrement dans les villes du Nord, un certain nombre de sociétés de consommation, 681 en 1889 ; leur extension et leur prospérité paraissent jusqu’ici assez modestes. Les 174 ayant fait connaître leur bilan, sans doute les plus importantes, possédaient un capital de 1 420 000 francs et un fonds de réserve de 409 000 francs. Leur chiffre de vente pour cette année 1889 s’élevait à 11 027 000 francs, sur lesquels les bénéfices réalisés n’atteignaient que 333 297 francs, presque exactement 3 p. 100 des ventes, soit le tiers ou le quart de ce qui est habituel en Angleterre ou en Allemagne. Il est vrai que, par rapport au faible chiffre du capital, ce bénéfice représente une proportion élevée.

Il est temps d’arriver à la France. Le mouvement coopératif y est très ancien. Il prit, au début surtout, la forme de sociétés de production. Tel fut le cas avant et pendant la Révolution de 1848. Ensuite, vers 1863, avec la faveur à la fois de la démocratie et du régime impérial, il se manifesta un élan d’opinion très marqué pour la fondation de sociétés de consommation et de sociétés de crédit, l’Almanach de la Coopération pour 1868 réunissait comme collaborateurs des hommes du parti

  1. Almanach de la Coopération française pour 1893, pp. 87-88.