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et des entraînemens est beaucoup plus faible que dans un mécanisme qui charge un ou quelques bureaux de délégués, ou de directeurs, de la fonction de tout prévoir et qui leur confère le droit de tout commander. Dans le premier cas, les erreurs sont partielles, parce qu’il s’établit toujours une certaine compensation dans la conduite de l’ensemble des particuliers, suivant leurs divergences de vues ; dans le second cas, les erreurs risquent d’être totales et beaucoup plus difficilement réparables.

En second lieu, l’intérêt des commerçans ou producteurs privés, soit individuels, soit constituant des sociétés anonymes, est beaucoup plus stimulé à éviter ou à réparer des erreurs dont ils souffriraient très cruellement, que ne pourrait l’être l’intérêt de simples fonctionnaires coopératifs qui en éprouveraient un moindre dommage personnel.

En troisième lieu, et c’est une observation capitale, absolument oubliée par l’auteur du programme ci-dessus, si le producteur doit suivre les goûts du consommateur, il doit aussi parfois les susciter et les développer par ses ingénieuses et fécondes suggestions. Une grande partie du progrès humain vient précisément de ce que des producteurs actifs et avisés ont lancé dans le commerce des objets dont les consommateurs ne prévoyaient pas l’utilité, auxquels ils ne pensaient pas. Vouloir que le producteur travaille uniquement sous les ordres directs et sous les inspirations seules du consommateur, simplement sur commande, sans initiative propre, ce serait, en beaucoup de cas, ravaler la production et en empêcher le progrès. Ce serait ramener le genre humain aux vagissemens et aux tâtonnemens des premiers âges.

L’auteur du plan de campagne ou du programme que nous étudions, comme reproduisant le mieux les visées de l’école mystique coopérative, termine par des postulats, également aussi peu démontrés, au sujet du commerce international : « Par là encore, dit-il, cette terrible question de la concurrence internationale qui avive les haines des peuples, se trouvera résolue de la façon la plus simple, par une entente entre les associations coopératives de consommation des différens pays, traitant directement les unes avec les autres pour tous les produits dont elles ont besoin et qu’elles jugent plus avantageux de se procurer au dehors que de produire elles-mêmes. Et pourquoi donc, puisque nous voyons les associations de producteurs s’entendre de pays à pays, et devenir internationales en vue de relever les prix des marchandises, pourquoi donc les associations de consommateurs ne deviendraient-elles pas internationales aussi et ne s’entendraient-elles pas pour les abaisser ? »

On ne voit pas comment fonctionnerait cet organisme. Il rencontrerait,