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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 120.djvu/115

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parce qu’elle répartit presque tous ses bénéfices aux consommateurs et ne consacre rien en fondations philanthropiques. De même, les coopérateurs exaltés reprochent à presque toutes les associations coopératives anglaises de ne pas admettre la participation des employés aux bénéfices[1].

Il faut ramener la coopération à des proportions plus restreintes, des desseins plus limités et plus pratiques, dans l’intérêt même de son rapide développement et de son utile fonctionnement. Les associations coopératives de consommation sont un mécanisme ingénieux qui, dans beaucoup de cas, peut rendre des services sérieux aux consommateurs : diminuer le prix de diverses marchandises, en assurer mieux la qualité ou la pureté.

Ces associations ont des chances inégales de succès suivant les industries ; parmi ces dernières, ce sont celles qui offrent le moins de complication : la boulangerie, l’épicerie, la cordonnerie, la vente au détail des vêtemens communs, où l’on a constaté le plus de réussites.

Au contraire, la coopération rencontre plus de difficultés dans la boucherie, quoique ce soit là peut-être qu’il serait le plus désirable de la voir se développer, l’écart étant souvent énorme entre les prix de la viande sur pied et celui de la vente à l’état.

On a vu qu’en France, sur un millier de sociétés coopératives de consommation, il n’y a que dix-sept boucheries.

Un financier économiste très ingénieux et très généreux, M. Cernuschi, a tenté, vers la fin du second empire, d’instituer une boucherie coopérative : il y a perdu beaucoup d’argent et s’est retourné contre la coopération. La grande difficulté est précisément, pour la boucherie, de fixer les prix des divers morceaux de viande, lesquels varient colossalement, et d’assurer à chaque qualité une clientèle. Il n’y a rien là qui ressemble au métier si simple de boulanger et d’épicier. La surveillance aussi doit être beaucoup plus minutieuse, la viande étant plus apte à être gâchée et à se détériorer.

Quoique très malaisé, le fonctionnement de la boucherie coopérative n’est pas, cependant, impossible, quand certaines conditions se trouvent réunies chez les gérans et dans la clientèle. Sans parler des boucheries de ce genre, peu nombreuses, il est vrai, probablement aussi peu importantes, qui existent en France, la grande Société coopérative de Leeds fait, entre bien d’autres, un commerce de boucherie. On nous dit que cette association, en plus de ses 65 magasins d’épicerie, de ses 15 magasins d’étoffes,

  1. Voir Almanach de la Coopération pour 1893. Voir aussi les observations de miss Beatrix Potter, cité par Schloss, op. cit., p. 234, également le même ouvrage, page 224.