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arriva un beau jour à Naples, avec l’idée arrêtée d’y créer quelque centre de travail. Il était persuadé que la Méditerranée se prêtait merveilleusement à un projet de ce genre et que, suivant son expression, les eaux de Naples et de Messine seraient pour les zoologistes ce que les musées de Florence sont pour les artistes ou le sol de Rome et d’Athènes pour les archéologues.

On pense bien que le grandiose bâtiment d’aujourd’hui ne s’est pas élevé sans quelques tribulations pour son fondateur ; d’autant plus que celui-ci, au lieu d’acquérir un territoire quelconque au bord de l’eau, avait résolu de bâtir au milieu même de la Villa nationale. Les Napolitains, très fiers de leur jardin, craignaient de le voir gâter du coup. C’était jouer la difficulté, non sans raisons d’ailleurs, ainsi qu’on le comprendra plus loin. Quoi qu’il en fût, M. Dohrn, en mars 1870, obtint de la ville de Naples la concession du terrain qu’il convoitait, à charge pour lui d’y construire un bâtiment d’aspect « esthétique, «et d’y installer un laboratoire, le tout, au bout de 60 ans, devant faire retour au gouvernement italien : ce laps de temps a, depuis, été porté à 90 ans. On se mit à creuser les fondations, les choses suivirent leur cours, et bientôt on s’aperçut, comme d’ordinaire, que les crédits seraient dépassés de beaucoup. Le jeune docteur, qui avait engagé une fortune de 300 000 francs dans cette œuvre, reconnut bientôt qu’il ne la conduirait pas à bien tout seul, ainsi qu’il y avait songé d’abord. Son ami l’embryologiste Balfour, depuis enlevé à la science qu’il cultivait avec tant d’éclat, l’aida de sa bourse et lui fit souscrire parmi les savans anglais une subvention de 25000 francs. C’était encore trop peu.

Arriver à Berlin par le train le plus rapide, solliciter 10000 thalers, et se les voir refuser fut l’affaire de quelques jours. Toutefois la demande devait être prise en considération sur un avis favorable de l’Académie des sciences. Naturellement — visites aux membres de l’Académie. Mais, avant qu’elles ne fussent achevées, M. Dohrn était rappelé en Italie : la population, furieuse de ce qu’un étranger prétendît construire un palais sur la Villa nationale, avait décidé la municipalité à refuser l’autorisation de faire la toiture. On allait entrer en hiver. Au milieu de cette fâcheuse situation, arrive la nouvelle que l’Académie de Berlin refuse de donner un avis favorable. Tout était donc aussi bas que possible. M. Dohrn rentre dans sa patrie « par retour du courrier », de nouveau sollicite les académiciens, et met toute son énergie à les persuader de l’utilité de son entreprise. Il y réussit cette fois ; mais, avant de connaître ce résultat, il était déjà à Naples, où la question de la station causait une véritable crise municipale.