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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 120.djvu/320

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Mineure, ce qui représente, il est vrai, plusieurs millions de tonnes. Outre l’avantage d’éviter les parages souvent difficiles, quelquefois dangereux, du cap Matapan, il procurera encore aux navires qui suivent cette route une économie de temps qui peut varier de 24 à 40 heures. C’est sur cette base que paraît avoir été calculé le tarif de 0 fr. 75 par tonne de jauge qui vient d’être publié.

La circulation dans le canal se fera, en outre, dans des conditions assez difficiles, qui peuvent comporter pour la navigation un certain supplément de dépense et réduire l’économie de temps. Dans cet étroit couloir, qui, large de 22 mètres au plafond, n’a, par suite de la presque verticalité de son encaissement, que 23m, 60 au plan d’eau, il n’y a, pour le navire transitant, qu’à suivre l’axe aussi rigoureusement que possible, et, quoique le tracé soit presque exactement rectiligne, il ne sera pas, dans tous les cas, facile de s’y maintenir. Les voiliers, même les plus petites tartanes, n’auront pas à courir de bordées : il leur faudra l’assistance du halage ou du remorqueur. Pour tous, voiliers ou vapeurs, il y aura, à la moindre déviation, à redouter le risque des embardées, mouvemens dans lesquels, inégalement pressé sur ses deux flancs par les eaux qu’il refoule, le navire, subitement indocile au gouvernail, se porte brusquement à droite ou à gauche, jusqu’à toucher la berge ; et cela, d’autant plus souvent que celle-ci est plus proche. Or, ce ne sont pas ici, comme à Suez, des berges de sable et de vase, coussins moelleux sur lesquels une carène peut venir s’appuyer sans crainte. Elle y imprime sa forme, elle ne s’y blesse point. À Corinthe, au contraire, ce sont de véritables maçonneries auxquelles un navire ne pourrait se heurter sans se faire des avaries plus ou moins graves, peut-être même s’ouvrir une voie d’eau.

Ajoutons que cette étroitesse du canal a pour effet d’augmenter la résistance qu’oppose l’eau au mouvement des navires, résistance d’autant plus considérable que le canal est plus resserré et le navire plus large. Des expériences trop peu nombreuses qui ont été faites à ce sujet, on déduit qu’un navire qui, à la marche normale de 40 tours d’hélice à la minute, faisait 10 nœuds en pleine mer, n’en fait plus que la moitié dans un canal dont la section est quatre fois et demie plus grande que la sienne. Si ce n’était que trois fois ou trois fois un quart, la vitesse ne serait plus que de 2 ou 3 nœuds. Puis le rapport des dimensions diminuant encore, le navire fait dans le canal l’effet d’une sorte de piston impuissant à refouler la masse d’eau que les berges inflexibles maintiennent devant lui. Or les grands paquebots ont près de 100 mètres carrés au maître-couple, presque la moitié de la section du canal de Corinthe : à