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Samos, n’a qu’un déplacement de 1 250 tonnes. Il n’est donc pas surprenant que, le jour de l’inauguration, la vitesse de marche ait été de 6 nœuds et demi, et que le canal ait été franchi en une demi-heure, comme on l’a publié. Attendons, pour en faire une appréciation définitive, le jour où il sera livré à l’exploitation régulière.

Dès aujourd’hui, toutefois, nous lui souhaitons de grand cœur un succès qui serait pour son promoteur une consolation, sinon une tangible récompense.


II

Le canal maritime qui va bientôt réunir la Baltique à la mer du Nord, ou plus immédiatement la baie de Kiel à l’embouchure de l’Elbe, en aval de Hambourg, ne procède pas exclusivement, comme celui de Corinthe, de la pacifique préoccupation d’abréger les routes du commerce, de les rendre plus faciles et plus sûres, et de rapprocher les idées, les hommes et les choses.

Il n’est pas dû non plus à l’initiative individuelle : «Pour l’honneur de l’Allemagne, pour le bien de l’Empire, pour sa grandeur et sa force», telles furent les paroles par lesquelles l’empereur Guillaume 1er en inaugura les travaux en juin 1887.

L’honneur, on le trouvait dans l’exécution et l’achèvement d’une grande œuvre, rivale en réputation du canal de Suez, dû à des mains françaises ; la force, dans une communication plus facile établie entre les deux grands arsenaux, Wilhemshaven et Kiel, où se construisait la flotte pour laquelle les souverains de l’Allemagne rêvent, avec une évidente prédilection, de glorieuses destinées. Telles sont les raisons pour lesquelles l’Empire est à la fois l’entrepreneur et le propriétaire du canal, et y a consacré une somme de 156 millions de marks, dont le tiers est à la charge exclusive de la Prusse, plus directement intéressée à ce grand travail.

Ce n’est pas que les œuvres de la paix ne doivent aussi tirer bénéfice du canal de la Baltique à la mer du Nord, et peut-être, en parlant de la grandeur et du bien de l’Empire, le vieil empereur avait-il voulu aussi laisser entendre que les avantages commerciaux de la nouvelle voie n’étaient pas en dehors de ses augustes préoccupations. Le principal de ces avantages ne réside pas, comme on pourrait le croire, dans l’abréviation de la distance entre les deux mers. Sans doute, les navires à vapeur qui vont aujourd’hui de l’une dans l’autre en doublant le cap Skagen, et en franchissant les détroits sinueux des Belts et du Sund, emploient, dans les meilleures conditions, à cette navigation difficile, de trente-huit à quarante heures. Pour les voiliers, quand les vents hyperboréens