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de cette région tourmentée sont favorables, il faut trois ou quatre jours. Par le canal, on leur promet qu’une fois rendus à l’une de ses extrémités, ce qui pour la plupart exige un détour quelquefois assez long, ils en atteindront l’autre en treize, quinze ou dix-huit heures.

La navigation entre les ports allemands des deux mers, celle de la Manche et de l’océan Atlantique avec la Baltique, sont celles qui profiteront de cette économie de temps. Pour les autres, l’avantage diminue à mesure que les ports d’arrivée ou de destination sont situés plus au Nord. C’est ainsi qu’en ce qui regarde la côte orientale de la Grande-Bretagne, dont les relations avec la Baltique sont particulièrement actives, les navires venant de Hull ou y allant sont les derniers qui auront quelque intérêt à passer par le nouveau canal. L’abréviation n’intéresse ni Sunderland ni Newcastle. Les ports de la Norvège et de la Suède occidentale, et à plus forte raison ceux de la monarchie danoise, y sont indifférens. Déduction faite des navires qui ne doivent ainsi vraisemblablement pas être attirés vers le canal, on constate, d’après les statistiques des dix dernières années, que, sur les 43 000 navires doublant annuellement le cap Skagen, 24 000, tant à voile qu’à vapeur, d’un tonnage net total de 8 millions et demi de tonnes, auront intérêt à emprunter la nouvelle voie. Cette route est, en effet, l’une des plus fréquentées du monde entier. Elle le serait bien plus encore, si la déplorable politique économique dans laquelle la Russie persiste avec une obstination si funeste à son développement, n’obstruait pas de tarifs douaniers prohibitifs l’accès des ports qu’à grands frais elle prétend, d’autre part, ouvrir au commerce.

Ainsi parcourue, la route de Skagen des Belts et du Sund est pleine de périls que ne parvient pas à faire toujours éviter le magnifique développement de phares et de balises qui est l’honneur du gouvernement danois et de ses savans ingénieurs. De 1858 à 1891, un tiers de siècle, ces parages redoutés ont vu plus de 8 000 naufrages, soit plus de cinq par semaine :


Exitio est avidum mare nantis.


Une statistique allemande, de date toute récente, y signale la disparition, en cinq ans, de 92 navires portant le pavillon de l’Empire, ayant englouti avec eux 708 personnes.

Les sinistres se produisaient aussi bien aux temps où les statisticiens ne songeaient pas encore à en faire le relevé, et ils étaient proportionnellement d’autant plus fréquens, que la navigation était moins instruite et les dangers moins signalés. Aussi, depuis plusieurs siècles, les peuples que l’inéluctable loi qui préside aux