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Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 120.djvu/380

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presque aussi facile d’ourdir une conspiration l’hiver que l’été, au Nord qu’au Midi, la nuit que le jour ou le jour que la nuit, par un temps pluvieux que par un soleil splendide. On verrait au contraire que le « facteur anthropologique » ou, pour parler plus simplement, la composition du groupe, a une importance plus grande dans les associations que dans les rassemblemens : formée sous l’empire d’un sentiment vif et passager, une foule, même composée d’une majorité d’honnêtes gens, peut se laisser facilement entraîner à des sortes de crimes passionnels, à des accès d’aliénation homicide momentanée, pendant qu’une secte, animée d’un sentiment fort et tenace, ne commet que des crimes réfléchis et calculés, toujours conformes à son caractère collectif et fortement empreints du cachet de sa race.

Mais ce ne sont là que des conditions secondaires. La question est de savoir quelles sont les causes qui les mettent en œuvre et à profit. Non seulement il n’y a pas de climat ni de saison qui prédestine au vice ou à la vertu, puisque, sous la même latitude et aux mêmes mois, on voit éclore toutes sortes de forfaits à côté de toutes sortes de sublimités ou de délicatesses morales, mais il n’y a pas même de race qui soit vicieuse ou vertueuse par nature. Chaque race produit à la fois des individus qui semblent voués par une espèce de prédestination organique, les uns aux divers genres de crimes, les autres aux divers genres de courage et de bonté. Seulement la proportion des uns et des autres, à un moment donné, diffère d’une race à une autre race, ou, bien plutôt, d’un peuple à un autre peuple. Mais cette différence n’est pas constante, elle varie jusqu’à se renverser quand les vicissitudes de l’histoire font changer la religion, les lois, les institutions nationales, et baisser ou monter le niveau de la richesse et de la civilisation. L’Ecosse, après avoir été pendant des siècles le pays de l’Europe le plus fertile en meurtres, d’après la statistique, est aujourd’hui le pays de l’Europe le moins meurtrier à population égale. Le nombre proportionnel des Écossais qu’on aurait cru pouvoir qualifier d’homicides-nés a diminué des neuf dixièmes environ en moins d’un siècle. Et si telle est la variabilité numérique de la criminalité dite innée, combien plus variable encore doit être la criminalité acquise ! Comment s’expliquent ces variations ? Pourquoi un plus ou-un moins grand nombre de criminels naissent-ils ou deviennent-ils tels. et dans tel ou tel genre ? C’est là le nœud du problème.


VI

Parmi les associations criminelles, nous pouvons distinguer aussi, si bon nous semble, celles qui sont des criminelles nées ;