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forme remportée par le ministre espagnol, et à un avantage plus sérieux au fond obtenu par le cardinal.

Le 7 novembre, tout était terminé, signé, scellé.


VII. — TRAITÉ DES PYRÉNÉES, 7 NOVEMBRE 1659. — L’ARTICLE DE M. LE PRINCE.

Le traité des Pyrénées est une œuvre accomplie et l’un des plus beaux monumens que nous ait laissés la diplomatie française ; moins vaste, plus concentré que le traité de Munster, il est aussi plus précis, complète la paix de Westphalie, confirme et développe l’établissement de la France en Alsace, lui assure la possession du Roussillon, avec Perpignan et la Cerdagne deçà les monts, d’Arras avec presque tout l’Artois, quelques positions dans le Hainaut et la Flandre maritime. Tout est précisé, réglé avec bon sens et mesure. Les alliés ne sont pas oubliés. Les grands voisins, Lorraine, Savoie, y figurent, habilement ramenés sous la protection de la France, quoique avec quelque dureté pour le premier. La forme est noble et grande.

Dix articles étaient consacrés à M. le Prince et formaient comme un traité séparé dont voici le préliminaire :

« Monsieur le Prince de Condé aiant fait dire à Monsieur le cardinal Mazarin, plénipotentiaire du Roy Très Chrestien, son souverain Seigneur, pour le faire sçavoir à Sa Majesté, qu’il a une extrême douleur d’avoir, depuis quelques années, tenu une conduite qui a esté désagréable à Sa Majesté, qu’il voudroit pouvoir racheter de la meilleure partie de son sang tout ce qu’il a commis d’hostilité dedans et hors de la France, à quoy il proteste que son seul malheur l’a engagé plustost qu’aucune mauvaise intention contre son service, et que si Sa Majesté a la générosité d’user envers luy de sa bonté royale, oubliant tout le passé et le retenant en l’honneur de ses bonnes grâces, il s’efforcera, tant qu’il aura de vie, de reconnoistre ce bienfait par une inviolable fidélité, et de réparer le passé par une entière obéyssance à tous ses commandemens ; et que cependant, pour commancer et faire voir par les effets qui peuvent estre présentement en son pouvoir, avec combien de passion il souhaite de rentrer en l’honneur de la bienveillance de Sa Majesté, il ne prétend rien en la conclusion de cette paix, pour tous les intérests qu’il y peut avoir, que de la seule bonté et du propre mouvement dudit Seigneur Roy son souverain Seigneur, et désire mesmes qu’il plaise à Sa Majesté de disposer pleinement et selon son bon plaisir, en la manière qu’Elle voudra, de tous les dédommagemens que le Seigneur Roy Catholique voudra luy accorder et luy a desjà offerts, soit en estats et pays, soit en places