les fugitifs comme ils l’avaient espéré, fit conduire à Bankok, par suite d’un accord secret passé avec Siam, le roi déchu, et là, ce malheureux, renfermé dans une cage de fer contenant les instrumens de torture au moyen desquels on le suppliciait chaque jour, ne tarda pas à expirer. Il laissait les derniers survivans de sa race dans une situation tellement abaissée, que le vainqueur n’en pouvait désormais concevoir aucun ombrage.
Il est très important de faire remarquer, en raison de l’actuel différend entre le Siam et la France, qu’au commencement de ce siècle, les Annamites s’étaient répandus de leur côté dans la vallée du Mékong. La rive gauche du fleuve leur appartenait, sans contestation, à partir du 16 degré de latitude nord jusqu’au delà du 17e de telle sorte que, dans ces limites, les provinces situées entre le Mékong et la grande chaîne de montagnes qui finit au cap Saint-Jacques, étaient soumises à l’empire d’Annam et payaient tribut à son souverain.
« Chargé spécialement, dit M. de Carné, par l’amiral de La Grandière, de déterminer les bornes de cet empire et de s’enquérir des territoires sur lesquels les Annamites élèvent des prétentions, M. de Lagrée avait fait sur ce point-là, lors de notre excursion à Attopée, des recherches persévérantes, mais infructueuses. Il avait retrouvé plus haut, en explorant seul le bassin d’un autre affluent du Mékong, le Se-Banghien, des preuves incontestables de l’autorité politique et administrative du roi d’Annam sur cette partie du Laos. Si donc, par le cours des événemens et des années, la France se trouvait substituée aux prétentions d’un gouvernement qu’elle sera un jour, pai la force même des choses, appelée à protéger ou à détruire, les titres ne lui manqueraient pas pour établir sa domination sur ces vastes déserts que le génie européen pourrait seul féconder[1]. »
C’est après l’extermination des Laotiens par les Siamois, que ceux-ci, pour empêcher la reconstitution de la monarchie disparue, partagèrent le pays en plusieurs petites principautés ou royaumes : un de ces petits États eut pour capitale Luang-Prabang, qui était déjà depuis quelques années la rivale de Vien-Chang.
Ainsi qu’on le suppose, les rapports entre vainqueurs et vaincus, Siamois et Laotiens, furent loin d’être cordiaux. Les petits États de la rive droite du Mékong payaient assez régulièrement une sorte de tribut, tout en ne recevant qu’avec humeur les fréquentes visites des fonctionnaires siamois, dont la suffisance
- ↑ Voyage en Indo-Chine et dans l’Empire Chinois, par Louis de Carné, membre de l’exploration du Mékong. Paris, Dentu.