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qu’elles réalisent relativement au commerce de détail individuel ou morcelé ; il leur suffit de réduire les prix au-dessous de ceux de leurs concurrens et de descendre dans cette réduction aussi loin qu’elles peuvent le faire en se réservant la marge nécessaire, non seulement pour couvrir l’ensemble des frais divers, mais pour doter la réserve et pour servir un intérêt modique, 4 à 5 p. 100, au capital que leurs associés ont constitué. Cette façon de procéder est dangereuse ; elle permet moins à la société de se procurer les moyens d’action nécessaires à son développement ; et elle l’expose gravement en cas de mécomptes.

Une autre méthode plus habituelle, plus prudente et plus efficace, est de vendre, sinon absolument au prix courant, pratiqué par le commerce ordinaire, du moins à un prix qui ne lui est que de peu inférieur ; de délivrer, en revanche, aux consommateurs des jetons ou bons en proportion de chaque achat ; ces bons ou jetons donnent droit chaque semestre ou chaque année à une part proportionnelle dans les bénéfices réalisés, ceux-ci étant partagés, dans des proportions qui peuvent varier suivant les sociétés, entre les associés qui ont fourni le capital, c’est-à-dire les actionnaires, et les acheteurs ; un associé peut figurer à la fois comme actionnaire et comme client et participer aux bénéfices en chacune de ces qualités.

Il advient parfois que ce boni, au lieu d’être distribué en espèces à la fin du semestre ou de l’année, est échangé contre des actions de la société. Dans la période des débuts ou de croissance de l’association, ce procédé peut être utile pour lui procurer des fonds qui lui permettent de s’étendre. Ainsi avaient fait les Equitables Pionniers de Rochdale.

La société de consommation peut éclore dans un milieu tout à fait populaire, du chef de simples ouvriers, petits rentiers ou employés. C’est là le type le plus pur, celui de Rochdale, d’une réalisation difficile, par le manque d’expérience et de fonds de ces associés. Quand, toutefois, elle a cette origine et qu’elle est parvenue à franchir les difficultés du début, cette sorte de société de coopération est celle qui a la plus grande force éducative et qui remplit le mieux l’idéal que se proposent les apôtres du système. Mais parmi les sociétés ainsi fondées un très grand nombre ne vont pas loin.

La société de consommation, d’autre part, peut souvent s’appuyer sur des hommes des classes moyennes : des patrons, des fonctionnaires, qui la suscitent tantôt dans leur propre intérêt économique, tantôt par philanthropie ; elle peut aussi émaner parfois de municipalités ; quelquefois elle se rattache à de grands partis politiques ; on a ainsi en Belgique les Coopérations socialistes et les