économique ; la troisième est l’échantillon de ces fondations qui allient une sorte d’esprit sectaire (en prenant ce mot en dehors de tout sens blâmable) aux combinaisons économiques et morales.
L’Army and Navy Stores, de même que le Civil service Store se proposent uniquement pour but d’abaisser pour leurs associés, et, dans une certaine mesure, pour tous leurs cliens, les prix de détail des marchandises de consommation commune et d’en améliorer la qualité. Ces vastes établissemens diffèrent peu, au point où ils sont parvenus, des grands magasins français par actions ; la distinction consiste surtout à ce qu’ils cherchent moins à grossir les dividendes qu’à abaisser le prix des produits. Uniquement préoccupés de ce but tout pratique et en quelque sorte domestique, ils ont tenu à garder leur stricte indépendance et ne se sont pas affiliés à la fédération des sociétés anglaises de consommation. Aussi, les apôtres du mouvement coopératif idéal n’ont-ils pour ces organisations qu’une sympathie très restreinte : M. Charles Gide, par exemple, s’exprime ainsi à leur sujet : « Dans le domaine commercial les magasins de gros de Manchester et d’Écosse et ceux des fonctionnaires civils et militaires de Londres (que je suis bien loin, du reste, de citer comme modèles parce qu’ils sont organisés d’une manière fort incorrecte au point de vue des principes coopératifs) sont des établissemens qui ne peuvent être comparés, par leurs proportions colossales et le chiffre de leurs affaires, qu’à nos magasins du Bon Marché et du Louvre[1]. » On voit combien les coopérateurs doctrinaires d’aujourd’hui ont modifié l’idée de la coopération puisqu’ils jugent si sévèrement les organisations qui ont obtenu le plus grand succès pratique en procurant aux consommateurs de bonnes marchandises à bon marché.
L’œuvre des Equitables Pionniers de Rochdale, jusqu’au jour où elle s’est en quelque sorte pervertie, comme on le verra plus loin, répondait mieux aux aspirations de ces enthousiastes du principe coopératif. Ces Equitables Pionniers sont célèbres, mais l’on ne met guère en relief que la première partie de leur histoire : « Rochdale est une petite ville à quelques milles de Manchester ; c’est là qu’est née la coopération moderne en 1844, » écrit M. Holyoake ; c’est là aussi qu’elle se pervertit et éprouva un terrible échec vers 1865 ; mais cet échec ou plutôt cette perversion concerne la coopération de production ; celle de consommation a continué à fleurir dans cette ville. En 1844, vingt-huit ouvriers, la plupart tisserands de flanelle, se cotisèrent pour réunir 28 livres sterling, environ 700 francs, au moyen de versemens de deux pence
- ↑ De la Coopération et des transformations, etc., p. 11.