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doublant le cap San Antonio, constata la situation insulaire de Cuba, que sa forme bizarre, longue et recourbée fit comparer à une langue d’oiseau. D’une extrémité à l’autre, cette île mesure 1 450 kilomètres sur une largeur moyenne de 100 ; autour d’elle la mer se creuse brusquement en abîmes profonds qui séparent du continent et des îles adjacentes le socle qui la porte.

Son altitude moyenne au-dessus du niveau des bailles marées n’excède pas 100 mètres. Une chaîne montagneuse la sillonne au sud-est, découpant, en face de la Jamaïque, une côte droite et rigide. Cette chaîne, désignée du nom de Sierra Maestra, « chaîne maîtresse », ou de Sierra del Cobre, « chaîne du cuivre », mesure, environ 200 kilomètres de longueur et atteint son maximum d’élévation au Pico Turquino, 2 492 mètres ; d’autres sommets inférieurs se maintiennent entre 1 500 et 2 000 mètres. Ailleurs, le sol, doucement ondulé, se déroule, dans l’ouest, en vastes prairies coupées de savanes, de collines, de vallées, et bordé, sur les côtes, de plaines souvent marécageuses.

Abondamment arrosée par les pluies, sillonnée de nombreux cours d’eau, l’île de Cuba est trop étroite pour comporter de grandes rivières. La plus considérable, le Canto, issu de la Sierra Maestra, longe la base de la chaîne et se déverse dans la baie méridionale de Buena-Esperanza, après un cours de 200 kilomètres dont la moitié est navigable pour les goélettes de faible tonnage. Les côtes de Cuba, généralement marécageuses et malsaines, sont d’un accès difficile, par suite des roches et des bas-fonds qui en couvrent les abords. En deçà de cette barrière extérieure s’étend une plage basse que les fleuves côtiers inondent périodiquement, que le soleil assèche, et que les alternances d’humidité et d’évaporation rendent fiévreuse. Au large de cette plage basse se déroule une frange d’îles, d’îlots et de récifs assis sur un fond de corail, rivage en formation appelé à considérablement étendre le pourtour de l’île. Les plus étendues de ces terres sont l’île des Pins, dont la superficie est de 2110 kilomètres carrés, les Jardinos et les.lardinillos, îlots fleuris et odorans, volières d’oiseaux au riche plumage.

Située au point de départ du gulf-stream, au point de formation des grands courans aériens qui, de l’ouest à l’est, remontent vers l’Europe occidentale, l’île de Cuba est un centre d’observation des phénomènes météorologiques qui affectent la zone tempérée. Elle est aussi sur la route que parcourent les ouragans et fréquemment éprouvée par ces redoutables phénomènes. On a gardé le souvenir de celui de 1810 qu’Agassiz qualifia d’« ouragan type » ; la Havane en souffrit cruellement : 2000 maisons rasées, 5000 endommagées, 225 navires coulés dans le port,