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LA PAIX ARMÉE
ET
SES CONSÉQUENCES

Le vieux monde s’agite ; qui donc le mène et où le conduit-on ? Il n’est que temps de s’en préoccuper. A quelle époque de son histoire a-t-il conçu de plus sinistres visions, a-t-il entrevu un lendemain plus chargé de douloureuses appréhensions ? Il travaille pourtant ; le travail, sous toutes ses formes, ne se rebute pas. Il s’alarme néanmoins devant un appareil guerrier qui l’épuise, et il se demande, avec raison, de quelles nouvelles catastrophes son avenir est prochainement menacé. Les temps sont passés où les peuples demeuraient étrangers aux actes comme aux entreprises de leurs gouvernails. De nos jours, ils savent et ils jugent. Les nombreux moyens d’investigation, mis à la disposition de toutes les classes sociales, les pénètrent et les éclairent ; si elles n’en ont pas la notion exacte, elles ont le sentiment des périls et des maux éventuels, sinon prochains, qui peuvent soudain fondre sur elles. Le service militaire, universel et obligatoire, a lui-même initié, plus ou moins, les plus humbles d’entre nous à tous les secrets, à tous les moyens de destruction que la science perfectionne incessamment, et chacun pressent des désastres inconnus jusqu’à noire époque. Nul n’a besoin aujourd’hui d’interroger un commandant d’armée de terre ou de mer pour apprendre que des corps de troupe ou des flottes entières peuvent disparaître dans un conflit au premier choc et que les vainqueurs pourraient être aussi bien décimés que les vaincus. La préparation de ces redoutables calamités est elle-même un premier malheur qui pèse cruellement sur tout le continent. Dans la voie des arméniens progressifs où ils