Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 122.djvu/74

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sur 4 211 743 habitans. Il a donc légèrement diminué. A Paris, sur 2 386 232 habitans, le chiffre des indigens n’est plus que de 55 183, ce qui au premier abord semble indiquer également une diminution et même considérable. Mais le nouveau règlement du 12 août 1886 sur la distribution des secours à domicile ayant réduit sensiblement le nombre des catégories auxquelles des secours permanens étaient accordés, ce n’est pas le nombre des indigens qui a diminué, mais celui des secourus, ce qui n’est pas du tout la même chose. En tous cas à ces 55 183 indigens il faut ajouter 65 058 nécessiteux, ce qui fait une population indigente de 120 241, soit par rapport à Londres un chiffre supérieur avec une population inférieure de près de moitié.

Ces comparaisons de chiffres entre pays où les chiffres ne sont pas dressés de la même façon doivent toujours, je le reconnais, être accueillies avec réserve, et il serait possible, soit que l’inscription sur les listes de l’indigence officielle fut plus difficile à obtenir à Londres qu’à Paris, soit qu’un plus grand nombre de malheureux ne voulussent pas recourir à la charité légale. Mais on peut toujours comparer un pays à lui-même, lorsqu’il vous donne comme instrument, de comparaison des statistiques très bien faites et établies depuis un demi-siècle d’après les mêmes données. Or l’Angleterre est le seul pays qui puisse se vanter d’avoir réduit son paupérisme légal. En veut-on la preuve ? Pour être arides, ces chiffres n’en sont pas moins intéressans. En 1849, le nombre des indigens de toute classe secourus en Angleterre et dans le pays de Galles avec les ressources mises à la disposition des paroisses par la taxe des pauvres s’élevait au chiffre énorme de 1 088 659, ce qui donnait par rapport à la population générale une proportion de 62,7 pour 1000. Trente ans après, le chiffre des pauvres était descendu à 765 455, ce qui, la population ayant augmenté au contraire, ne donnait plus qu’une proportion de 30,6 pour 1 000. Enfin en 1893 le nombre des pauvres n’est plus que de 758 776. Mais, la population ayant augmenté encore, la proportion n’est plus que 25,8 pour 1 000. Ainsi, de 1849 à 1893, la proportion des indigens secourus officiellement est passée en Angleterre de 62,7 à 25,8 pour 1 000. Voilà des chiffres indiscutables. Que prouvent-ils ? C’est que, si la charité légale accroît le paupérisme quand elle est mal faite, comme elle l’a été longtemps on Angleterre, elle le diminue au contraire quand elle est bien faite, et que l’exemple de nos voisins, bien loin de pouvoir être invoqué contre le système du centime charitable, viendrait au contraire à l’appui.

Une autre objection, assez forte dans la pratique, je le