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par la condensation de la vapeur. Parfois le bassin du geyser affleure au sol même ; plus souvent il est enfermé dans un cratère de forme volcanique en geysérite blanche, imitant le névé d’un glacier. La température du lieu contribue à l’illusion : elle ne dépassait pas huit degrés au mois de septembre, en plein jour, pendant l’été brûlant de 1893. Comme cadre général, un site désolé où des sapins, de taille médiocre, émergent entre deux ou trois épaisseurs d’arbres morts.

Quant au phénomène en lui-même, l’explication donnée par M. Bunsen paraît être trop particulière. Elle repose en effet principalement sur une distribution toute spéciale des températures qu’il avait observée avec M. des Cloizeaux à l’intérieur du grand geyser d’Islande, l’ancienne merveille aujourd’hui déchue. Mais le Yellowstone contient au moins un millier de geysers en activité, offrant toutes les variétés de formes, de puissances et de périodes : cette seule constatation suffit à montrer que le phénomène doit avoir une cause plus générale. Et en effet, j’ai pu le reproduire avec un simple tube de métal rempli d’eau, s’ouvrant par la partie supérieure dans un large bassin, et soumis par en bas à l’action d’une source de chaleur, telle qu’il faut bien l’admettre dans ces manifestations volcaniques : l’eau s’échauffe sur toute la longueur du tube, mais particulièrement au voisinage du foyer ; puis le moment arrive où les couches profondes entrent en ébullition, à une température d’autant plus élevée que le tube est plus long, la tension de la vapeur d’eau bouillante devant triompher de la pression supportée. La vapeur soulève la colonne liquide, dont les couches superficielles se déversent à l’extérieur. Cette colonne devient moins longue, et, par suite, la pression qu’elle exerce diminue. Une ébullition violente se déclare dans toute la masse, comme dans l’eau d’une chaudière dont on ouvre la soupape : un mélange d’eau et de vapeur jaillit, jusqu’à ce que l’excès de tension intérieure ait disparu. Alors le calme se rétablit, l’eau recueillie par le bassin supérieur rentre dans le tube, ainsi que cela se passe effectivement pour le geyser dit « économique », parce qu’il réabsorbe tout ce qu’il a lancé au dehors. La source de chaleur étant maintenue dans le même état, l’éruption se reproduit périodiquement.

En modifiant la longueur, la largeur, la disposition du tube, on pourrait imiter les différentes variétés de geysers. Quelle que soit leur forme, quel que soit leur système d’alimentation et de chauffage, quel que soit leur mode d’éruption, dès que celle-ci a pris fin, les choses reviennent promptement aux conditions antérieures, qui ramènent naturellement le même phénomène.