Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 124.djvu/440

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grandes cuves pouvant contenir de trente à trente-six chevaux ; on cuit à la vapeur, l’opération dure de dix à quatorze heures ; abandonnée au repos et au refroidissement la matière se partage en trois couches ; les graisses employées dans les savonneries occupent la partie supérieure, au-dessous se trouve un liquide chargé de gélatine, la couche inférieure est formée d’un mélange de sang et de chair ; soumise à la dessiccation, elle constitue un engrais renfermant encore 13 pour 100 d’azote.

Son action est beaucoup plus lente que celle du sang ; j’ai eu occasion d’employer à Grignon sur diverses cultures, en 1879, de l’engrais de viande provenant d’une usine de Saint-Denis ; l’effet fut peu sensible. l’année même de répandage, mais il fut très marqué l’année suivante.

Le traitement que nous venons d’indiquer n’est praticable que dans de grandes usines. Il arrivait très souvent naguère que, dans les fermes où l’on perdait des animaux atteints de maladie contagieuse, on se bornait à les enfouir, et cette habitude fâcheuse a contribué pendant bien longtemps à propager une des maladies les plus redoutées des éleveurs : le charbon. Nous avons indiqué, dans un article précédent[1], comment se propageait le charbon, et bien que, grâce, aux admirables découvertes de M. Pasteur, aux vaccinations préventives de plus en plus répandues, cette maladie tende à disparaître, on ne saurait cependant prendre trop de précautions pour empêcher sa propagation. M. Aimé Girard a indiqué, il y a quelques années, une méthode très simple qui permet de convertir les animaux qui ont péri sous les atteintes de ces maladies contagieuses, en un engrais efficace et inoffensif : il suffit de plonger les cadavres dans une cuve renfermant de l’acide sulfurique à 60° ; l’acide réduit l’animal en une sorte de bouillie noire ; on achève la saturation à l’aide de la poudre de nodules de phosphate de chaux, et on obtient ainsi une masse sèche, facile à répandre, d’une haute valeur fertilisante, et absolument débarrassée de tout germe morbide.

La culture emploie encore d’autres résidus d’origine animale, notamment la laine et le cuir ; les chiffons de laine simplement effilochés sont en usage dans les vignes depuis un temps immémorial ; le prix du chiffon varie avec celui du vin ; quand la récolte a été abondante, la qualité médiocre, le vin se vend mal, le prix du chiffon tombe pour se relever pendant les années où les vignerons vendent cher. Ces chiffons de laine ne s’altèrent que lentement dans le sol, et si leur action se fait sentir pendant plusieurs années, elle n’est pas assez rapide pour soutenir la végétation

  1. Voir la Revue du 1er  mai 1893.