Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 124.djvu/530

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

constitution d’Alexandre III[1]. Le Sacré-Collège y recevait, sinon son organisation définitive, du moins le principe définitif de son organisation, qui est l’égalité de tous les cardinaux dans l’élection du Souverain Pontife.

Il n’en demeura et n’en demeure pas moins divisé en trois ordres : cardinaux évêques, prêtres et diacres ; mais cette division en trois ordres est purement cérémonielle et le sens profond s’en est perdu. Les cardinaux évêques ne sont investis d’aucun pouvoir que ne possèdent également les cardinaux prêtres et les cardinaux diacres. À peine se rappelle-t-on ce que représentent les trois ordres : que les cardinaux évêques sont les six évêques provinciaux ; les cardinaux prêtres, les prêtres incardinati, les curés titulaires des principales églises ; et les cardinaux diacres, les prêtres principaux des églises mineures de Rome. Voilà l’une des divisions du Sacré-Collège, et à quoi elle correspond : sa division, interne, pourrait-on dire, et ecclésiastique en trois ordres. Il y en a une autre, externe et politique, en cardinaux de curie et cardinaux de couronne ou de nation. On appelle cardinaux de curie ceux qui résident habituellement à Rome ; tels sont les titulaires des charges pontificales, les préfets des congrégations, etc. Les cardinaux de couronne sont les archevêques et évêques du monde catholique, revêtus de la dignité de cardinal. Dans le Sacré-Collège actuel, les cardinaux de curie représentent l’élément romain ; les cardinaux de couronne, l’élément catholique ou universel, ce qui n’implique pas que tous les cardinaux de curie soient romains ou même italiens, ni que les cardinaux de couronne, — ceux qui le sont et ceux qui devraient l’être, — occupent des sièges archiépiscopaux ou épiscopaux très éloignés de Rome. Ainsi, le cardinal Ledochowski, préfet de la Propagande, est, quoique Allemand, cardinal de curie et, comme lui, quoique Allemands aussi, le cardinal de Hohenlohe, qui fut évêque suburbicaire d’Albano et le cardinal Melchers, archevêque disgracié de Cologne. Mais l’archevêque de Naples, celui de Capoue, celui de Ravenne, celui de Florence ne sont pas plus des cardinaux de curie que l’archevêque de Paris, l’archevêque de Vienne, l’archevêque de Westminster, l’archevêque de Tolède, le patriarche de Lisbonne, l’archevêque de Baltimore, l’archevêque de Québec, l’archevêque de Sidney. Si ce ne sont pas davantage des cardinaux de couronne et s’il faut inventer pour eux une troisième catégorie, celle des cardinaux italiens, c’est uniquement à cause de la

  1. Licet de vitunda discordia, promulguée au troisième Concile de Latran, onzième concile œcuménique, en 1180. Il n’y eut plus désormais ni guides ni suivans, plus de distinction entre le choix et le consentement. (V. Lucius Lector, ouvr. cité.)