Page:Revue des Deux Mondes - 1894 - tome 125.djvu/323

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

principe arbitraire qu’ils ne démontrent pas, qui, à l’application, révèle une évidente insuffisance. Ce n’est pas tout. Leur respect excessif pour les prétendus témoignages de la littérature les force à ramener les commencemens du régime jusqu’à une époque trop basse où tout indique que la vie de l’Inde était déjà fortement établie dans son assiette définitive. Nouvelle invraisemblance ! Une institution si universelle dans la société hindoue, douée d’une vitalité souple jusqu’à paraître indestructible, ne peut pas manquer d’être liée aux racines mêmes du développement national. Surgissant tardivement, au moins eût-elle, à prendre tant d’empire, laissé de ses commencemens des traces plus précises. Un trait est commun à tous les systèmes de cette catégorie : ils perdent trop de vue les faits actuels ; ils se privent des rapprochemens et des idées qu’évêque la vie des populations imparfaitement ou récemment assimilées à l’hindouisme dominant. Cette préoccupation tient au contraire une place d’honneur dans des travaux qui obéissent à d’autres directions, qui procèdent soit des doctrines sociologiques, soit de l’anthropologie.


II

M. Nesfield est dominé par des vues d’ethnographie générale ; sa foi aux classemens positivistes est d’une raideur qui surprend en un temps si revenu de tout dogmatisme. Au moins est-il dans ses conclusions d’une netteté parfaite ; si on hésite à le suivre, on sait où il va. La communauté de profession est, à ses yeux, le fondement de la caste ; c’est le foyer autour duquel elle s’est formée. Il n’admet aucune autre origine ; il exclut délibérément toute influence de race, de religion. C’est pour lui illusion pure que de distinguer dans l’Inde des courans de population divers, aryens et aborigènes. Le flot de l’invasion s’est abîmé de bonne heure dans la masse ; l’unité s’est faite très tôt ; plus de mille ans avant l’ère chrétienne, elle était déjà acquise. Seule, la constitution des castes a pu, grâce à la spécialité professionnelle, y jeter un dissolvant. Les castes se seraient d’ailleurs développées suivant un ordre absolu ; c’est l’ordre que suit la marche du progrès humain dans la vie, dans l’agriculture, dans les industries ; le rang social assigné à chacune serait précisément celui qu’occupe, dans cette série, le métier particulier auquel elle s’adonne. C’est ainsi que, parmi les castes d’artisans, il discerne deux grandes divisions : la première correspond aux métiers antérieurs à la métallurgie, c’est la plus basse ; la seconde, plus relevée, représente les industries métallurgiques ou est contemporaine de leur floraison. Il a