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de plus de machines, faire au sol plus d’avances, et en recueillir par conséquent plus de fruits.

Quoique à un moindre degré qu’en industrie, le coût des installations en agriculture ne croît pas en raison directe de l’importance des surfaces ou des récoltes. Pour les cultures surtout qui ont un caractère industriel, et la plupart y tendent aujourd’hui, notamment pour la vigne, la betterave, l’élève du bétail, de grandes installations concentrées offrent une sensible économie de capital et de frais généraux par rapport à une multitude de petites installations destinées à un produit équivalent.

Une vaste cave, avec des foudres de 150 à 200 hectolitres chacun, pouvant contenir 10 000 ou 20 000 hectolitres de vin, une laiterie ou une fromagerie qui doit faire des centaines de quintaux de lait ou de fromage, des distilleries ou des féculeries énormes, sont loin de coûter autant comme frais d’établissement et d’exiger autant d’entretien ou de main-d’œuvre que le total des petites installations vingt fois ou cent fois moins importantes qui donnent, toutes réunies, une production égale.

Ces avantages, si sérieux qu’ils soient, se trouvent secondaires relativement à un autre qui les prime de beaucoup : l’avantage par excellence de la grande propriété moderne, c’est sa supériorité scientifique et industrielle; c’est cette qualité qui la rend indispensable à la bonne économie et au progrès d’une nation. Cette supériorité intellectuelle et scientifique des grands propriétaires modernes est le pivot de tous les progrès de l’agriculture. Elle l’a été dans le passé, elle l’est beaucoup plus encore dans le présent, et chaque jour son rôle s’élargira.

Même l’ancienne aristocratie foncière au XIIIe et au XIVe siècle en Angleterre, au XVIIIe siècle dans le même pays et en France aussi, a rendu de très grands services à cet égard, comme en témoigne Thorold Rogers, peu prévenu en faveur des hautes classes, dans son Interprétation économique de l’histoire.

La grande propriété moderne joue beaucoup plus régulièrement ce rôle d’introductrice du progrès qui n’a été rempli que passagèrement, à certaines époques, par l’ancienne grande propriété nobiliaire, souvent frivole ou obérée. Dans le temps présent ou le récent passé, ce sont les grands propriétaires du nord et du centre de la France qui ont modifié les assolemens, adopté de nouvelles cultures comme celle de la betterave, de nouveaux engrais comme le guano, les superphosphates, des amendemens comme le chaulage, le marnage, des reproducteurs de choix; qui ont essayé les semences perfectionnées, dont des agronomes connus, MM. Grandeau et Armand Gautier, attendent le doublement de la production du blé; des machines enfin de toute nature,