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le Caucase, est, à l’orient de la mer Caspienne, essentiellement caractéristique des Kharysmiens, c’est-à-dire des Turkmènes et des Khiviens ; les autres populations du Turkestan n’en portent point.

Ce qui paraît avoir dicté à ceux-ci le choix de leur coiffure, de même que celui de tout leur équipement, de leur selle très surélevée par exemple, c’est la préoccupation constante de donner le mieux possible des coups de sabre sur la tête et sur les épaules de leur prochain et de parer ceux qui peuvent leur être adressés à eux-mêmes. Les énormes bonnets en question remplissent admirablement ce dernier but, d’autant mieux que leurs propriétaires y placent leurs vêtemens de rechange et y accumulent tous les objets qu’ils peuvent voler au cours de leurs déplacemens. L’efficacité du meuble protecteur s’en trouve encore augmentée. Rien n’est plus curieux que de faire vider le contenu de son bonnet à un Turkmène : les découvertes qu’on y peut faire sont tout à fait inattendues.

Avant la conquête russe, les Turkmènes avaient pour industrie principale et même unique le pillage. Toujours en guerre avec les Persans, et presque toujours victorieux, malgré leur nombre très inférieur, ils exécutaient chaque année en Perse des razzias d’esclaves et d’objets de toute nature. L’effectif des corps d’armée envoyés contre eux ne servait en général qu’à augmenter le nombre des prisonniers dont ils faisaient commerce sur les marchés de Boukhara et de Khiva. Aussi ont-ils longtemps résisté même aux armes russes et c’est pour les réduire qu’a été construite, à un point du vue purement stratégique, la première section du chemin de fer transcaspien. C’est en vue de leurs razzias ou alamanes qu’ils ont créé et perfectionné l’admirable race de chevaux, la première du monde assurément, qu’ils possèdent encore aujourd’hui et dont le fond et la vitesse sont incomparables. Ces chevaux, dont le type se rapproche beaucoup de celui du pur-sang anglais, n’ont rien des formes arrondies que l’on est convenu d’attribuer, chez nous, à tous les chevaux orientaux. Ils sont nerveux, anguleux, osseux et de très grande taille. Ils sont malheureusement devenus assez rares, depuis que la paix russe a mis fin à l’industrie qui était la raison d’être de leur élevage assez coûteux. Leur nombre, en 1891, lors d’un recensement auquel nous avons assisté, n’était plus, dans la Transcaspienne, que de quatre mille. Tout le reste de la population chevaline, très nombreuse, est formée de chevaux karabaïr, race métisse, dégénérée et assez médiocre, qui n’est guère supérieure à notre race barbe et qui lui ressemble.

Tous les nomades qui habitent au-delà de l’Oxus,