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les deux provinces de Samarkande et de Katti-Kourgane, les plus riches et les plus importantes de son royaume. En échange, ils lui donnèrent deux provinces montagneuses, d’une surface égale, mais qui d’ailleurs ne leur appartenaient pas auparavant, le Hissar et le Darvass. Ces deux provinces, placées au sud du khanat de Kokan, étaient plus ou moins disputées entre ce khanat, celui de Boukhara, l’Afghanistan, et de petits princes indépendans. Les Russes en firent la monnaie avec laquelle ils dédommagèrent l’émir de Boukhara, leur nouvel allié, de la perle des deux autres provinces indispensables pour donner au Turkestan russe la richesse, l’étendue et la densité de population nécessaires à son avenir.

Enfin les Russes imposèrent en même temps à l’émir un traité de commerce sur les bases suivantes : 1° liberté de commerce pour tous les sujets russes dans toute l’étendue du pays ; 2° droit pour eux d’avoir des agens dans toutes les villes du pays ; 3° limitation des droits de douane pouvant frapper les marchandises russes à leur entrée dans les États de l’émir. Cette limite était fixée à deux et demi pour cent de la valeur des objets.

De 1870 à 1873, les Russes, profitant des complications qui appelaient ailleurs, en Occident, l’attention de l’Europe, entreprirent la difficile conquête du khanat de Khiva. Ce pays était depuis trois siècles le centre du commerce des esclaves et le dernier refuge de la résistance à toute influence européenne. Ce khanat, ou plutôt sa partie centrale, l’oasis de Khiva proprement dite, formée par le delta de l’Oxus, peuplée d’un million d’habitans, et comprenant une surface fertile de trois à quatre millions d’hectares, était presque inaccessible pour les Européens. Du côté du Nord-Ouest, il était couvert par le plateau désert et glacé d’Oust-Oust, au Nord, par la mer d’Aral, et de tous les autres côtés par les sables des déserts de Kara-Koum et de Kizil-Koum. Ces obstacles avaient mis jusque-là le pays à l’abri des armes russes. Après la désastreuse tentative faite sous Pierre le Grand par Bekowitch, une expédition entreprise en 1839 par le général Pérovsky avait abouti à un échec complet.

Enfin, en 1872, une campagne décisive fut résolue, et l’on décida, pour mieux surmonter les difficultés résultant de la traversée des déserts glacés en hiver, brûlans en été, de diviser le corps expéditionnaire en plusieurs fractions, de manière à converger sur Khiva de tous les côtés à la fois.

Le général Kauffmann, commandant en chef de l’expédition, disposait de 60 compagnies d’infanterie, 26 sotnias de cosaques et 56 canons. La relation de cette campagne a été donnée d’une façon très complète dans un récent ouvrage par le général