Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 127.djvu/174

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Turkestan, était arrivé depuis plusieurs jours par la route de l’Est et avait pris position à seize kilomètres de la ville.

Il avait eu à surmonter de grandes difficultés. La colonne de Kazalinsk, commandée par le colonel Goloff et celle de Djizak, sous les ordres du général Golovatcheff, devaient opérer leur jonction au pied du mont Boukan-Taou, au centre du désert de Kizil-Koum. Elles y parvenaient le 24 avril, mais la chaleur et le sable opposèrent un formidable obstacle à la marche du corps expéditionnaire, qui fut en outre harcelé par les Turkmènes. Le 10 mai, les Russes n’avaient plus que 1200 chameaux sur 40 000 qu’ils possédaient au départ, lorsqu’ils rencontrèrent, au pied des monts Outch-Outchak, le gros de l’armée khivienne. L’attaque fut impétueuse, mais le combat dura peu de temps et les Turkmènes prirent la fuite. Le 14 mai, Kauffmann fit son entrée à Al-Kamich ; il passa l’Oxus, près de Chourah-Khaneh, sur des pontons amenés de Kazalinsk et campa près de Pitinak, où, le 14 juin, il reçut la soumission du khan de Khiva.

Le succès de l’expédition de 1873 fut complet. La partie du khanat située sur la rive droite de l’Oxus fut annexée ; le reste fut soumis à un protectorat tellement étroit qu’il équivalait à une véritable annexion. Tous les esclaves prisonniers de guerre, 25 000 selon les uns, 40 000 selon les autres, furent rendus à la liberté. Le nombre des Européens qui se trouvèrent parmi eux était de vingt-deux. Au commencement du siècle, on estimait à 3 000 le nombre moyen des esclaves russes qui étaient retenus prisonniers à Khiva.

Les événemens qui ont amené l’annexion par la Russie du Ferganah, partie centrale du khanat de Kokan, laissée jusque-là indépendante, sont assez compliqués. En 1840, Nasr-Oullah, émir de Boukhara, annexa le khanat de Kokan à ses États, après une longue guerre, et fit décapiter le khan Mohammed-Ali. La famille de celui-ci se réfugia chez les Kirghiz Kiptchaks, avec l’aide desquels un de ses parens, Chir-Ali, chassa bientôt les Boukhares. Il se fit proclamer khan de Kokan en 1843, et fut assassiné en 1846 par un de ses proches, Mourad-Khan. Ce dernier ne garda le pouvoir que pendant quelques semaines. Le chef des Kiptchaks, Moussoulman-Koul, plaça sur le trône le jeune fils de Chir-Ali, Khoudaïar-Khan, alors âgé de dix-huit ans. Celui-ci a laissé la réputation d’un souverain débonnaire ; cependant, cette appréciation est relative, et tout est affaire de pays, car, en 1854, il se débarrassa de la tutelle gênante de Moussoulman-Koul en le faisant tuer. Le procédé qu’il employa ne manque pas d’originalité. Moussoulman-Koul fut attaché à un pieu et on tira sur lui, à bout portant, plusieurs coups de canon chargés à poudre. Le