subjectivisme est à Berlin comme ailleurs une puissance avec laquelle les chanceliers doivent compter.
Comment la crise s’est-elle produite ? On comprend sans peine que l’empereur ait rompu avec M. de Bismarck, qu’il ait éprouvé le désir de se soustraire à une pesante et impérieuse tutelle ; mais son nouveau chancelier était un de ces serviteurs fidèles et dévoués qui ne gênent ni n’offusquent leur maître, qui confondant leur honneur avec le sien, ne sauraient lui porter ombrage. Croira-t-on que Guillaume II ait cédé aux suggestions de l’un de ces conseillers irresponsables que M. de Bismarck détestait, et dont le plaisir le plus doux est de conspirer contre les hommes en place ? Il a toujours fait gloire d’être inaccessible aux influences de cour. Sans doute il a regretté que M. de Caprivi se fût brouillé avec les conservateurs agrariens ; mais il avait approuvé ouvertement les traités de commerce, on assure même qu’il en eut le premier l’idée. A-t-il fait de son chancelier son bouc émissaire ? l’a-t-il envoyé au désert pour expier leurs communs péchés ? Cela s’accorderait mal avec sa générosité naturelle. Il avait pris jusqu’ici plus d’une décision soudaine ; mais il avait mis le public dans sa confidence, il avait justifié, expliqué ses arrêts. Il aime à s’expliquer, et personne ne s’entend mieux que lui à exposer ses raisons. Il a gardé cette fois un prudent et obstiné silence ; il a refusé à l’Allemagne les éclaircissemens qu’elle lui demandait, et les curieux ont dû renoncer à pénétrer le mystère.
Tout compté, tout rabattu, la politique n’a joué peut-être qu’un rôle secondaire dans cette aventure de palais ; il y faut voir surtout un trait de caractère, il n’y a là-dessous qu’un cas psychologique. S’il est des Allemands à l’échine souple pour qui leur souverain, quel qu’il soit, est toujours incomparable, il en est d’autres qui, poussés par quelque esprit malin, se donnent de grandes libertés et commettent d’impardonnables irrévérences. Il a paru dernièrement une brochure dont j’ai sous les yeux la 28e édition. C’est une étude sur la folie des Césars ; l’auteur a peint dans Caligula le type de ces souverains infatués d’eux-mêmes, qui finissent par ne plus se connaître, par adorer leurs caprices, et n’avoir plus d’autre dieu que leur bon plaisir. On nous rappelle que le fils de Germanicus et d’Agrippine, monté sur le trône à l’âge de vingt-trois ans, eut d’assez bons commencemens et donna d’abord de belles espérances, mais qu’on Ait bientôt se développer en lui de dangereux travers, des bizarreries d’esprit et d’humeur.
Il méprisait les conseils, il décidait tout par lui-même, et il eut hâte de mettre à pied Macron, préfet du prétoire, à qui il avait de grandes obligations. Il avait le goût de la dépense, du faste et l’incessant désir de faire parler de lui. Il aimait les revues, les manœuvres, les mobilisations improvisées. L’un de ses premiers soins fut de rajeunir les