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d’autres recevront une peinture plus résistante. Caressé avec une souplesse infinie, poussé jusque dans ses nuances les plus délicates, le travail du visage et du corps exclut toute idée d’une coloration opaque, sous laquelle disparaîtrait cette fleur exquise du modelé : le pinceau doit respecter ces chairs polies avec amour par la lime du sculpteur. Au contraire, la chevelure est traitée largement, sans aucune virtuosité; la draperie jetée sur le tronc d’arbre présente des plis brisés, des froissemens qui font valoir encore par le contraste le rendu des nus, où la lumière se joue sur des plans fondus harmonieusement. C’est donc là que trouveront place les tons opaques. Pour la chevelure, aucune hésitation: le brun rouge si familier aux peintres de statues est encore apparent. Pour les draperies de l’Hermès et du petit Dionysos, elles seront bleues ou rouges; mais il n’y a aucune témérité à supposer des draperies peintes dans une œuvre du IVe siècle : les stèles d’Athènes nous y autorisent, et l’on peut en outre invoquer le témoignage d’une statuette d’Artémis trouvée à Chypre, copie très soignée d’un original attique un peu antérieur à l’Hermès. Le chiton est d’un rouge violacé ; le manteau est vert, avec une bordure violette, et les parties réservées pour la peinture ont été à dessein laissées un peu rugueuses, par opposition aux chairs, polies avec soin[1]. Complétons encore la peinture des accessoires, et restituons la dorure des sandales : nous aurons l’idée d’une polychromie en réalité assez sobre, et qui ne recouvre qu’une faible partie de la statue.

Si l’on examine de plus près le détail, la peinture de la tête suggère quelques remarques dignes d’attention. Où s’arrêtait le ton brun rouge de la chevelure? Dans l’Hermès, comme dans plusieurs autres statues praxitéliennes, le passage des cheveux au front est ménagé par une sorte de transition plastique, par des plans amortis que la peinture ne peut couper brutalement ; il n’y a plus là, comme dans les têtes archaïques, un travail du ciseau qui détache nettement la chevelure sur le front et sur les tempes. Les copistes romains ont eu le sentiment de cette difficulté. À ce point de vue, la tête féminine du musée de Dresde signalée plus haut est fort curieuse. Le ton local de la chevelure est jaune; les boucles sont détaillées par des lignes brun foncé qui en suivent le contour, et viennent mourir sur le front, formant ainsi à la naissance des cheveux comme une frange transparente. Sans doute un Nicias savait résoudre le problème par des moyens plus simples, par une dégradation du ton habilement ménagée.

  1. La statue a été publiée par M. R. von Schneider, Jahrbuch der Kunsthist. Sammlungen des Kaiserhauses in Wien, V, pl. I-II, p. 1 et suivantes.