exemplaires du Mémoire circulaient dans Paris), le lieutenant criminel désirait ardemment une réparation publique. Jamais, s’il l’avait obtenue, il ne se fût départi du jugement de l’affaire, et certes, dans cette hypothèse, les accusés étaient en grand danger. Le Mémoire subsistant, il était difficile à Duval de faire encore œuvre de magistrat. Donc, tout se concentrait autour de ce Mémoire.
Le Parlement, avons-nous dit plus haut, avait saisi les Gens du roy. Mais Duval savait à quoi s’en tenir sur pareille formule, qui équivalait à un classement, et déjà il récriminait. « Nous espérons que le Parlement prendra notre défense, » écrivait-il, affectant de parler au nom du procureur Hecquet, comme en son propre nom. Mais le Parlement faisait la sourde oreille, et le procureur général se bornait à répondre à Duval de Soicourt : « j’ay reçu, Monsieur, votre lettre. Votre conduite dans l’instruction, et le jugement définitif de votre siège du 28 février 1766, est suffisamment justifiée par l’arrêt que le Parlement a rendu le 4 juin dernier. D’ailleurs ceux qui ont signé le Mémoire se sont expliqués de manière à satisfaire le Parlement, et à devoir vous tranquiliser sur l’impression que vous paraissez appréhender que ce Mémoire n’ait fait dans le public. » Et Duval de répondre, non sans justesse : « L’arrêt ne me justifie pas du tout, puisque le Mémoire de Linguet est postérieur. » Il voulait un quitus public et en due forme.
Le prudent Joly de Fleury était d’autant moins disposé à le lui accorder qu’il sentait gronder autour de lui les colères et les menaces des parens affolés, et des amis des jeunes de Saveuse, Maillefeu et Moisnel. La marquise d’Albert transmettait au procureur général, avec un sage avertissement, une lettre de M. Douville, se plaignant des iniquités de Duval, des lenteurs voulues de la procédure. M. Joly de Fleury hésitait. Enfin, au mois d’août, comme les choses n’avançaient pas, Moisnel toujours en prison, et Duval faisant la navette entre Abbeville et Paris, avec la clef de sa cassette à procédures, Linguet brusqua la situation. Il écrivit ainsi au procureur général ;
« Monseigneur,
« J’ay apris très tard les démarches que l’on fait auprès de vous pour vous engager à demander la suppression du Mémoire publié il y a deux mois en faveur des sieurs Douville de Maillefeu, de Saveuse et Moisnel. Si le Mémoire est faux et calomnieux, il mérite d’être flétri ; mais s’il ne contient rien qui ne soit conforme