en 1809 dans une gentilhommière du Val de Cère ; il grandit dans ces causses dures et pauvres, entre d’anciens officiers de la monarchie qui n’avaient d’autre entretien que leurs campagnes, d’autre fortune que leur croix de Saint-Louis. Il comptait dix-sept chevaliers de l’ordre dans son ascendance. Son père et ses deux oncles avaient servi au régiment de Penlhièvre. Ce père, appelé Canrobert du nom d’un petit fief ajouté au nom patronymique, n’avait retrouvé pour toute propriété, en rentrant de l’émigration, qu’une marbrière abandonnée. Fort animé contre l’usurpateur, il ne souffrit jamais qu’on lui parlât de son fils d’un premier lit, tué à Ligny en défendant « le Buonaparte ». La vocation de son autre enfant eût certainement été contrariée si la Restauration ne fût venue aplanir les choses ; restauration trop incomplète pour les principes de l’émigré, qui traitait Louis XVIII de Jacobin couronné, Mais le petit Canrobert recevait d’autres leçons d’un cousin germain, fils de Mlle de Certain et du baron de Marbof. Ce cousin, colonel en demi-solde, lui racontait les guerres de l’Empire ; nous savons aujourd’hui de quel style et avec quelle séduction entraînante, Marbot menait son jeune parent se baigner dans la Cère ; il lui montrait sa peau, véritable musée de blessures rares, trouée par les engins les plus variés : à Leipsig par la flèche d’un Baskir, à Saragosse par l’écu d’Espagne vomi d’un tromblon.
L’enfant fut admis comme boursier à l’Institut des chevaliers de Saint-Louis, fondé à Senlis pour donner la première éducation militaire aux fils de ces vieux serviteurs ruinés par la Révolution. Quand il eut ses neuf ans sonnés, M. de Canrobert le prit en croupe et le porta à Brive, d’une traite de dix lieues. La malle de Toulouse à Paris emmena le futur maréchal, muni d’une escarcelle maigrement garnie, et inscrit sur la feuille de la diligence avec la mention d’usage : « À la garde de Dieu et sous la conduite du conducteur. » À partir de ce jour, en effet, le petit soldat allait marcher à la garde de Dieu seul. Durant les huit années de son internement à l’institut, il ne revit ses parens qu’une fois ; un congé d’un mois le ramena à Saint-Ceré, pour embrasser son père près de mourir. En 1826, il fut reçu à Saint-Cyr, l’un des premiers de la promotion. L’existence à l’Ecole militaire était alors d’une rigueur claustrale : on y travaillait ferme, on n’en sortait jamais. Quand le sous-lieutenant Canrobert revint au val de Cère, en 1828, il y trouva encore sa mère ; elle s’éteignit peu après. « Depuis ce moment, dit-il, mon régiment devint ma vraie famille. » Par la suite, en Afrique, il dira avec un grain de mélancolie comment l’arrivée du courrier de