nouveau, qui n’est au surplus que l’ancien, légèrement retouché. Cela ne manque pas de piquant. — Le roman ne devait pas être en reste. Déjà, sous l’influence des écrivains russes, il s’était beaucoup amendé. Il avait accueilli les idées chrétiennes et copieusement appliqué aux petits épisodes de l’adultère les mérites de l’Évangile. Il y avait mieux à faire. De nos jours, où on a fait entrer dans le roman tant de choses, depuis l’histoire et l’érudition jusqu’à la philosophie et l’économie politique, pourquoi n’y pas introduire aussi l’hagiographie ? Quelle histoire plus attirante que celle d’une âme qui reçoit les premiers attouchemens divins ? quel drame plus émouvant que celui du pécheur luttant contre l’esprit du mal ? Le roman de la grâce n’avait pas encore été écrit. Cette tâche a tenté l’auteur des Sœurs Vatard et de En ménage. Les amis de M. Huysmans depuis quelque temps n’étaient pas sans inquiétudes. Ils s’étonnaient de la bizarrerie de ses allures. On savait qu’il fréquentait les églises. Il déambulait de Saint-Sulpice à Saint-Séverin et des offices mondains de la Madeleine à ceux des chapelles privées. Il se mêlait aux pauvres gens pour assister dès l’aube aux premières messes : il était auprès des autels le soir à l’heure où, sous les voûtes envahies par l’ombre, s’éteignent les dernières veilleuses. Il assistait aux vêtures, et, pareil à Jean Racine, il y goûtait le plaisir des larmes. Même on apprit qu’il s’était enfermé dans un couvent de trappistes. Allait-il prendre le froc ? Le bruit en courut, et déjà les reporters se plaignaient qu’il fût perdu pour les lettres. Il n’en était rien. Au contraire tous ces exercices de dévotion devaient tourner à la plus grande gloire des lettres. M. Huysmans se documentait. Ce n’est pas en vain qu’on a passé par l’école naturaliste. On peut bien en avoir répudié bruyamment certaines tendances, on en garde de saines méthodes de travail. Comme M. Zola prend soin de visiter les lieux qu’il veut décrire et de se renseigner dans les manuels qui font autorité, M. Huysmans étudiait le monde clérical, faisait la différence du clergé régulier d’avec le séculier, comparait les sanctuaires et les maîtrises, dépouillait les ouvrages spéciaux. De cette laborieuse enquête est sorti son nouveau roman : En route[1].
Ce très curieux et très remarquable livre est un livre d’édification. Il s’adresse aux personnes qui, lassées de la vie du siècle, s’en voudraient aller à l’ombre de murailles pieuses faire une cure d’âme et goûter la paix du cloître. Il leur prépare les voies, il leur indique le chemin, il lève les premières répugnances. Les matérialistes, les positivistes et les voltairiens y sont en maints endroits traités comme ils le méritent. On réfute en passant certaines de leurs objections, qui sont des plus redoutables étant des plus saugrenues. Ils
- ↑ J.-K. Huysmans. En route, 1 vol. : Tresse et Stock.