et réunies à la guerre, pourront puiser dans l’immense réservoir de l’armée métropolitaine, plus facilement ouvert pour elles qu’il ne l’est aujourd’hui. L’idée de réunir toutes les forces de l’armée française, coloniales et métropolitaines, dans la même main est juste et peut devenir féconde : les équipages de la flotte suffisent au ministère de la marine. Sommes-nous à la veille de réaliser cette réforme ? M. le président du conseil l’a affirmé. Il trouvera bien des obstacles, mais certainement il les a prévus et il se sent les moyens de les surmonter. Il rencontrera aussi un danger dans la tendance naturelle qu’aura le ministère de la guerre, et qu’ont déjà pour lui quelques-uns des partisans de la mesure, de faire des troupes coloniales un nouveau corps d’armée, plus solide que les autres, composé de soldats rengagés, plus âgés, mieux exercés, et que l’on destinerait, sans le dire, à la guerre européenne plus encore qu’aux affaires coloniales. Cette confusion, qui n’a pas complètement disparu du langage du gouvernement, est un des motifs qui ont empêché déjà le rattachement des troupes coloniales à la guerre, parce qu’on a prévu qu’elle ne tarderait pas à dénaturer l’institution. Si la guerre européenne éclate, nous utiliserons évidemment toutes les forces que nous aurons sous la main, et nous n’en exclurons pas les meilleures ; mais l’armée coloniale, pour rester ce que son nom indique, doit être organisée en dehors de toute préoccupation de ce genre. Il importe qu’elle puisse toujours être utilisée dans les colonies, en totalité ou en partie, sans que notre mobilisation générale s’en ressente, et qu’aucune de nos prévisions, en cas de guerre, en soit troublée, ou seulement dérangée.
La force de notre armée métropolitaine doit être ailleurs. Mais où ? C’est la question qui a été agitée dans la discussion générale du budget de la guerre, et, là encore, deux systèmes contraires ont été en présence et en opposition. L’un a été soutenu par M. Jules Roche, rapporteur de la commission du budget, l’autre par M. Godefroy Cavaignac. Il y a deux manières de concevoir l’armée. On peut la considérer, et c’est ce qu’a fait M. Jules Roche, comme un outil militaire qui doit être toujours prêt à servir, et dont il faut augmenter autant que possible la puissance immédiate. Si on l’envisage ainsi, on arrive nécessairement à retenir les hommes sous les drapeaux pendant un assez long temps pour qu’ils présentent par leur cohésion plus complète, par leur instruction plus avancée, par leur endurance à la fatigue rendue plus grande, par le développement de l’esprit militaire devenu plus vif, le maximum de force dont ils sont susceptibles. Une armée pareille encadre facilement les réserves qu’on lui envoie en temps de guerre, et si les réservistes sont dans la proportion de deux contre trois soldats de l’armée active comme l’a demandé M. Roche, on arrive à obtenir une année de première ligne propre à frapper dès le début des hostilités des coups décisifs. Dans ce système, on accorde plus à