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la qualité de l’effectif de paix. Dans le second, celui de M. Cavaignac, on accorde plus à la quantité de l’effectif de guerre. L’armée active est considérée comme une école où l’on fait rapidement passer le plus grand nombre d’hommes possible pour les dégrossir rapidement. M. Cavaignac n’a pas dit en termes formels qu’il était partisan du service de deux ans, mais son discours conduit à cette conclusion. Pour la rendre plus acceptable, il a pris la défense des instructions que le général Mercier a données l’année dernière aux conseils de révision, et il y avait à cela un certain courage, car ces instructions ont été généralement, nous allions dire universellement, blâmées. M. Cavaignac a dit, à la vérité, que la mesure avait été un peu exagérée dans l’application. On sait ce qui en est advenu : les conseils de révision ont déclaré propres au service un grand nombre d’hommes qui auraient été exemptés, ou du moins ajournés les années précédentes. Le chiffre du contingent en a été augmenté dans des proportions considérables, mais augmenté de soldats médiocres, tout à fait incapables de faire campagne, et qui sont allés grossir le contingent des hôpitaux. M. Cavaignac opère, ou croit opérer toutes les défalcations nécessaires’, cela fait, il affirme que le contingent annuel vraiment propre au service peut être évalué à 220 000 hommes ; donc, il suffit d’en avoir deux sous les drapeaux pour constituer une armée de 440 000 hommes, plus l’effectif permanent. Au bout de deux ans, et même de moins, car il y a des abréviations inévitables, ces hommes auront, d’après lui, une instruction militaire suffisante. Ils seront remplacés par d’autres, et ainsi, tous les hommes valides ayant passé près de deux ans à la caserne, nous aurons réalisé le problème de la nation armée.

Il n’y a pas de question plus redoutable que celle-là. L’existence nationale elle-même y est attachée : aussi ne peut-on la traiter qu’en tremblant. L’exemple de l’Allemagne doit être étudié, médité, mais ne pas nous faire illusion. Nous n’avons pas dans l’armée, ni dans la nation elle-même, les ressources organiques qui ont permis à l’Allemagne de réduire à deux ans la durée du service militaire ; on sait d’ailleurs à quelles exceptions en plus et en moins ce système est soumis chez nos voisins. Dans ces conditions, l’expérience n’est peut-être pas sans péril ; mais ce péril est moindre qu’il ne le serait chez nous, où les cadres inférieurs sont certainement moins solides et où le joug de l’égalité absolue s’imposerait à tous. Si l’Allemagne doit être imitée, c’est plutôt sur les points qu’a indiqués M. Jules Roche, à savoir la permanence et la fixité des effectifs. L’effectif de nos régimens, de nos bataillons, de nos compagnies, est inférieur à ce qu’il devrait être d’après la loi de 1875. Il varie de mois en mois de la manière la plus regrettable. C’est un mal immense, que nous nous sommes efforcés d’atténuer, qui a été diminué en effet, mais qui persiste et contre lequel on ne saurait trop réagir. Nous demandions