des frais considérables d’expatriation, de premier établissement : on ne le verra pas se dédire, et fuir s’il a mal calculé. Le Français ne peut soumissionner qu’à un prix rémunérateur. Dans ces conditions de concurrence inégale, blâmera-t-on le gouvernement colonial de favoriser au début les industries françaises, dût le Protectorat payer un peu plus cher quelques travaux ? On l’en a sévèrement blâmé, et souvent à l’instigation des Chinois évincés. Il y a dans notre pays de France des difficultés d’où un fonctionnaire ne sort que par un coup d’Etat. Quand M. de Lanessan arriva au Tonkin, en 1891, on avait résolu depuis longtemps la construction d’un hôpital qui devait remplacer les vieux magasins à riz, délabrés et infects, où s’entassaient les malades de la garnison d’Hanoï. Le service de santé ; voulait construire sur les bords du fleuve, le service de l’artillerie dans la citadelle : les deux puissances se querellaient depuis cinq ans. Le gouverneur prit sur lui de trancher la question : l’hôpital s’éleva enfin. Quand on l’inaugura, en 1894, le service de l’artillerie, à Paris, cherchait encore noise au téméraire qui avait osé ce coup d’Etat.
M. de Lanessan répond à ses accusateurs en alignant quelques chiffres. Le mouvement commercial de l’Annam-Tonkin, qui ne dépassait pas, en 1885, 19 millions de francs, s’est élevé en 1893 à 95 millions. Le budget du Protectorat, toujours en déficit jusqu’en 1891, se solde depuis trois ans par des excédens de recettes. Il est vrai que les chiffres sont bons manœuvriers, surtout dans un pays où l’agio de la piastre, tombé en trois ans de 4 francs à 2 fr. 60, rend les calculs de conversion délicats et les plus-values souvent illusoires. La colonie a dû prendre des engagemens très discutés pour construire son premier chemin de fer, et c’est encore le budget métropolitain qui supportera cette dépense. La voie ferrée, inaugurée le 24 décembre de l’an passé, conduit actuellement de Phu-Lang-Thuong à Lang-Son. Quand on l’aura reliée à Hanoï d’une part, et prolongée d’autre part de Lang-Son à la frontière de Chine, elle paiera ses frais en peu de temps ; dans les pays d’Orient très peuplés, les moyens de locomotion sont toujours d’excellentes affaires. M. de Lanessan pense avec raison que le prompt achèvement d’un grand réseau indo-chinois constituera la meilleure garantie de notre domination. De Saigon à Lang-Son, nous possédons les membres épars d’un corps qui acquerrait une vie intense par leur réunion. La Cochinchine ne compte qu’un million cinq cent mille habitans ; elle produit assez de riz pour fournir une exportation considérable. Le Tonkin, avec ses dix millions d’habitans, ne produit encore ; que le riz nécessaire à sa consommation ; mais les charbonnages de Hongay et de