pourrait être fâché qu’on accordât trop à tel autre, et finalement de conserver entre tous cet équilibre formé de demi-satisfactions et de demi-mécontentemens sur lequel s’appuient tous nos ministères, jusqu’à ce qu’ils chavirent d’un côté ou de l’autre. Mais le public n’entend rien à ces rébus, et, comme il a le tort de ne regarder que les choses, prises en elles-mêmes, il ne peut pas s’empêcher de crier à l’absurdité. Il est vrai que le public, c’est-à-dire la France entière, compte pour bien peu à côté des groupes parlementaires.
La commission du budget a eu une idée que les radicaux ont trouvée facétieuse, mais où il serait plus exact de voir une simple gaminerie. Elle a donné raison à M. Clausel de Coussergues contre le gouvernement : « Oui, a-t-elle dit, il faut établir une différence entre les congrégations autorisées et les autres : en conséquence, les premières paieront 30 centimes et les secondes 50. » Le chiffre de 30 centimes reposait sur un calcul de vraisemblances, sur l’étude des tables de mortalité, en un mot sur des élémens contestables, mais sérieux : celui de 50 centimes ne repose sur rien. C’est un chiffre en l’air. On aurait pu dire 40, on aurait pu dire 60, indifféremment. La commission du budget s’est peu honorée en proposant cette solution, et la Chambre moins encore en la votant. La commission des finances du Sénat, d’accord avec le gouvernement, demande qu’on applique le taux de 30 centimes à toutes les congrégations. Nous n’avons rien à retirer de ce que nous venons d’écrire au sujet de ce chiffre uniforme : si le Sénat le vote, tout ce qu’on pourra dire de lui, c’est qu’il aura fait un peu moins mal que la Chambre. Il serait encore mieux de revenir à l’amendement de M. Clausel de Coussergues, et de s’occuper aussi de la liquidation du passé. Les congrégations, en effet, doivent au fisc un arriéré considérable, provenant d’une législation dont l’iniquité a été reconnue et proclamée. On leur donne bien la liberté de choisir, pour l’acquittement des droits échus, entre l’ancienne législation et la nouvelle ; mais, dans le cas où elles préféreraient l’ancienne, on a omis de dire si celle-ci serait appliquée avec la déclaration simple ou la déclaration multiple, et, dans le cas où elles préféreraient la nouvelle, ce serait à la condition de perdre le bénéfice de l’article 4, qui exempte de la taxe les biens affectés à l’entretien des œuvres de charité et de nos missions à l’étranger.
Cette exemption répond, ainsi que l’a constaté M. Ribot, à un sentiment général, et elle suffit à donner à la loi, malgré les critiques que celle-ci soulève d’autre part, un caractère bienfaisant. Il est très injuste de dire, comme on le fait dans certains milieux, que la loi nouvelle est un avortement et que la question à résoudre n’a pas fait un pas. Elle en a fait un, et des plus considérables. Plus on démontre que le droit d’accroissement est excessif et onéreux, plus on donne de prix à l’immunité qui vient d’être accordée aux biens affectés à la charité et à nos