Le triomphe de l’école de la toute-puissance du feu et des adeptes du tir « en plates-bandes » fut de courte durée et ne fut jamais bien complet. Il y eut toujours heureusement assez d’esprits sains et de caractères vigoureux pour protester contre ces théories amollissantes et démoralisantes. « Quel est donc, s’écriait Dragomirof, le secret espoir de ces lignes minces et flottantes que l’on voit s’arrêter pour s’adonner au tir ? Elles espèrent contraindre à distance l’adversaire à tourner les talons. Or cet espoir est précisément la négation formelle d’une autre pensée : la résolution suprême d’aborder l’ennemi corps à corps, ce qui est le moyen par excellence d’atteindre le but. »
Dès 1880 on voyait poindre un mouvement de réaction qui depuis lors n’a été qu’en s’affermissant et s’élargissant. En 1881, il aboutissait à l’adoption d’un règlement nouveau.
Il convient d’insister un peu plus longuement sur les procédés tactiques consacrés par ce règlement de 1884. Il marque une étape bien précise dans le développement de la tactique. Quelque contestables que fussent la théorie du combat qu’il formulait et les procédés qu’il préconisait, ils avaient l’avantage d’être nets et précis et de présenter une image bien saisissable du combat tel que l’entendaient à cette époque les esprits distingués qui présidaient à l’élaboration de ce règlement.
D’après cette théorie, — qui, ne l’oublions pas, était hier encore notre code officiel de combat, — le combat offensif d’infanterie comprend trois phases distinctes. Dans la première, il faut amener la troupe assaillante jusqu’à la distance efficace de tir, à 500 mètres environ ; dans la seconde, il faut lui faire franchir cette limite et la pousser jusqu’à la distance d’assaut, 200 mètres environ ; enfin, dans la troisième, il faut lui faire donner cet assaut lui-même, le porter jusque sur le défenseur pour le disperser par le choc.
À ces trois phases correspondent trois modes d’action distincts.
Dans la première, bien que la marche en avant doive être aussi rapide que possible, la troupe assaillante fera usage de toutes les précautions de nature à faire éviter des pertes inutiles. A cet égard, tous les moyens sont bons : c’est le moment de l’adroite utilisation du terrain et de ses abris, de la marche en échelons ou en échiquier, des formations ouvertes ou sur un rang, des cheminemens à ciel ouvert. La caractéristique de cette première période sera la dispersion des élémens et leur