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l’enseignement de Laromiguière et celui de Royer-Collard, à la faculté des lettres, et, dans l’intérieur même de l’Ecole, l’ardente parole de Cousin, nommé répétiteur pour le français, avaient commencé de remuer les esprits. Bientôt vinrent les événemens de 1814 et de 1815, la première et la seconde Restauration, séparées par le brillant et tragique intermède des Cent-Jours, les deux invasions, l’octroi de la Charte et l’établissement du régime parlementaire. Dès le retour des Bourbons, la lutte s’engageait partout, dans les conseils du roi, à la tribune des Chambres, dans la presse, dans les collèges électoraux, entre ceux qui étaient résolus à défendre l’ordre social créé par la Révolution et ceux qui s’étaient juré de l’abolir. Les élèves de l’Ecole étaient tous nés et avaient tous grandi dans la France nouvelle ; à de rares exceptions près, ils ne pouvaient guère hésiter sur le parti auquel iraient leurs sympathies, quand ils auraient plus tard à faire acte de citoyens. Ils étaient donc de cœur avec l’opposition libérale ; mais leur tenue n’en était pas moins restée la correction même. Lancé dans une campagne de réaction à outrance, le ministère Villèle n’invoqua pas, contre l’Ecole, l’ombre même d’un prétexte ; il la supprima, sans phrases, le 6 septembre 1822. L’office qu’elle remplissait excellemment depuis douze ans serait, dans l’avenir, dévolu à des Écoles normales partielles, qui seraient établies près du collège royal de chaque chef-lieu d’Académie.

Ces Écoles partielles devaient être l’équivalent, en menue monnaie, de la grande Ecole qui venait d’être frappée de mort. Elles eurent à peine un commencement d’existence. En disparaissant, cette pépinière de maîtres avait laissé un vide que l’on ne réussissait pas à combler. Quatre ans ne s’étaient pas écoulés que l’auteur même du mal cherchait à le réparer. Le 5 septembre 1820, M. Frayssinous rétablissait l’Ecole, mais sans lui rendre ce nom qui, en lui rappelant les souvenirs de la République et de l’Empire, risquait d’éveiller chez elle de dangereuses ambitions. Installée dans un quartier du collège Louis-le-Grand, placée sous la surveillance du proviseur, elle s’appellera désormais l’École préparatoire.

Tout interrompue qu’elle eût été par cette violence, la tradition des libres études se renoua comme d’elle-même, dans cette école qui n’avait paru renaître que diminuée et humiliée. Au bout de deux ans, sous le ministère Martignac, qui lit remonter dans leurs chaires Guizot, Villemain et Cousin, l’Ecole reprenait presque son ancienne figure. Elle s’installait, à la place des Facultés, maintenant logées à la Sorbonne, dans l’ancien collège du Plessis, dont les bâtimens touchaient à ceux de