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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



31 mai.


Nous annoncions, il y a quinze jours, le dépôt fait par M. Ribot du projet de budget pour l’exercice 1896. On n’en connaissait alors les lignes générales que d’une manière très sommaire, et il était difficile de prévoir comment il serait accueilli. À dire vrai, il ne l’a pas été d’une manière encourageante. La nomination de la commission du budget a été, à cet égard, un symptôme des plus significatifs : pas un seul des commissaires élus ne s’est montré favorable au projet du gouvernement. Une sorte d’unanimité s’est formée, au moins au premier moment, contre les propositions de M. Ribot. Cela tient à des causes très diverses, dont la première est que M. Ribot a présenté, comme nous l’avons déjà dit, un budget sincère. Il n’a rien déguisé de la situation. Peut-être n’a-t-il pas trouvé les meilleurs moyens d’y faire face ; mais il l’a du moins exposée telle qu’elle est, sans l’aggraver, sans l’atténuer. En cela, il a rendu un incontestable service. Il ne serait pas juste de dire que ses prédécesseurs immédiats avaient fait le contraire, et qu’ils s’étaient appliqués à dissimuler au moins une partie de la vérité. Seulement, pour faire contrepoids aux dépenses qui augmentaient sans cesse, ils trouvaient toujours des ressources extraordinaires, dont quelques-unes étaient plus ou moins réelles ou réalisables, mais qui permettaient strictement de présenter un budget en équilibre sans avoir recours à des impôts nouveaux. C’était, tantôt le boni de la conversion, tantôt la majoration des droits de douane à la suite du remaniement de nos tarifs, tantôt encore des reliquats généralement ignorés qu’on semblait avoir discrètement laissés en réserve au fond des tiroirs de la Caisse des dépôts et consignations. Il y avait là comme une corne d’abondance que les Chambres avaient pris l’heureuse habitude de retrouver toujours inépuisable entre les mains du gouvernement. Et pourtant elle s’est épuisée. Après avoir versé dans les recettes du budget des trésors qui ressemblaient parfois au produit de la prestidigitation, la source, enchantée est décidément tarie. Il n’y a plus rien à lui demander ;