— Et alors ?
— Je pourrai certainement rester avec toi tout ce mois d’août, et peut-être aussi la première semaine de septembre…
— Et ensuite ?
— Ensuite, tu me permettras de retourner à Rome, et tu viendras m’y rejoindre. Là, nous aviserons pour l’avenir. J’ai déjà quelque chose en tête…
— Quoi ?
— Je te le dirai. Mais, pour le moment, dînons. Tu n’as point d’appétit, toi ?
Le dîner était prêt. Comme d’habitude, la table était dressée en plein air, dans la loggia. On alluma la grande lampe.
— Vois-tu ? s’écria-t-elle, lorsque la domestique apporta sur la table la soupière fumante. Cela, c’est l’œuvre de Candie.
Elle avait voulu que Candie lui apprêtât une soupe rustique, à la mode paysanne : un mélange savoureux, riche en gingembre, coloré et odorant. Elle y avait déjà goûté quelquefois, attirée par l’odeur dans l’habitation des vieillards. Elle en était devenue gourmande.
— C’est délicieux ! Tu vas goûter.
Elle s’en versa une écuelle comble, avec un geste de gourmandise enfantine ; et elle avala vivement la première cuillerée :
— Je n’ai jamais mangé rien de meilleur !
Elle appela Candie pour lui faire des complimens :
— Candie ! Candie !
Le femme apparut au bas de l’escalier, riant :
— La soupe te plaît, madame ?
— Elle est parfaite !
— Puisse-t-elle se convertir en bon sang pour toi !
Et les rires naïfs de la femme enceinte montèrent dans l’air calme.
On voyait que George prenait part à cette gaîté. Le changement subit de son humeur était manifeste. Il se versa du vin, but d’un trait. Il fit effort pour vaincre sa répugnance à manger, cette répugnance qui, dans les derniers temps, était devenue si forte qu’elle lui rendait parfois insupportable jusqu’à la vue de la viande saignante.
— Tu te sens mieux, n’est-ce pas ? demanda Hippolyte en se penchant vers lui et en déplaçant même un peu sa chaise pour se rapprocher.
— Oui ; maintenant je me sens bien.
Et il but encore.
— Regarde ! s’écria-t-elle. Regarde Ortone en fête !
Tous deux regardèrent la ville lointaine, couronnée de feux,