Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 130.djvu/593

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cependant beaucoup d’hommes distingués. À partir de 1840 les pensionnats, les académies se multiplièrent à l’infini ; on ne manquait pas de ressources pour l’éducation même des femmes. La preuve, c’est qu’après la guerre les veuves et les filles orphelines de personnages haut placés dans les affaires civiles et militaires purent se consacrer à l’enseignement. Sans doute il ne faut pas comparer le genre de culture des femmes du Sud à la culture intense de leurs sieurs du Nord. Le rapport envoyé au département de l’Intérieur à Washington, après douze années d’inspection attentive, par le Révérend docteur A.-D. Mayo, une autorité en fait de questions se rattachant à l’éducation, nous permet de toucher du doigt les différences. — Jamais, écrit-il, aucun pays civilisé n’a rien vu de semblable à l’exemple donné par l’Américaine de la Nouvelle-Angleterre depuis le jour où elle atteignit son rocher de Plymouth. Durant deux siècles elle a contribué sans relâche pour sa part au développement de la République : rien ne l’a rebutée, ni un climat dur, ni le manque de serviteurs, ni l’obligation de travailler de ses mains. Elle a souffert patiemment, lutté en silence, jusqu’à ce que l’immigration irlandaise et le secours des machines l’aient relevée de son volontaire esclavage. Alors elle a trouvé 350 manières différentes de gagner manuellement sa vie ; elle a occupé les neuf dixièmes des places dans le corps enseignant des écoles publiques, et envahi les universités ; elle s’est mêlée des affaires municipales toutes les fois que l’éducation était en cause. La vie de la femme au Sud était tout autre : elle avait certes son importance, mais une importance purement domestique, qui ne se manifestait guère que sur la plantation : là elle était vraiment reine, avec de grandes responsabilités et des occasions continuelles d’exercer son initiative, initiative utile et bienfaisante le plus souvent, quoi qu’on en ait dit. Depuis l’émancipation cependant, le cercle de ses devoirs et de ses droits s’est élargi : 150 établissemens d’instruction supérieure s’ouvrent aujourd’hui aux jeunes filles du Sud, et dans cinquante de ces écoles la co-éducation est admise : les universités de l’Alabama, du Mississipi, du Texas et du Kentucky reçoivent des femmes ; 8 000 étudiantes sont réparties dans les collèges de la Louisiane, de la Caroline du Nord, du Tennessee, de la Virginie, etc., sans compter la foule de celles qui vont chercher des diplômes au Nord. Pour ce qui concerne l’instruction secondaire, il serait difficile d’établir des statistiques, — les écoles particulières et les couvens catholiques ne s’y prêtant pas, — mais on sait que dans six États les femmes sont déclarées compétentes à voter pour tout ce qui concerne les questions scolaires. Les progrès ont