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Quelle est la cause qui retient si étroitement unies les diverses parties d’un corps dur, d’une barre d’acier par exemple ? La question avait été posée à Descartes : « Je n’y veux, avait répondu le philosophe, aucune autre colle ni ciment que le repos. » L’insuffisance de l’explication sautait aux yeux. Malebranche attribue la cohésion qui retient unies les diverses parties d’un corps dur à la gravitation de l’éther, c’est-à-dire, selon les principes cartésiens, à des tourbillons de matière subtile ; ce sont également les mouvemens de l’éther qui expliquent le ressort des corps élastiques. « Il faut que les corps élastiques se redressent par l’effort de quelque mouvement. En effet, si l’on ne veut raisonner des corps et de leurs propriétés que sur les idées claires que l’on en peut avoir, on n’attribuera jamais à la matière d’autre force ou d’autre action que celle qu’elle tire de son mouvement… C’est donc une nécessité de dire que le mouvement qui fait la force des corps à ressort est celui de la matière subtile ou invisible qui les environne et qui en pénètre les pores. »


III


Si Parent avait été précédé par Malebranche dans l’explication de l’élasticité, Malebranche, à son tour, avait été devancé par Leibniz.

Dans sa Theoria motus concreti, publiée à Mayence en 1671, Leibniz n’hésite pas à affirmer que « tous les corps sont élastiques ; si, après les avoir comprimés, on les abandonne à eux-mêmes, le mouvement gyratoire de l’éther les ramène de suite à leur état primitif. » Tous les effets que produit l’air s’expliquent par le concours de deux causes : la gravité de l’air et la tendance qu’il a à s’épandre, à se dilater. Cette tendance, Leibniz lui donne le nom d’élater ; mais cette force expansive, cet élater, n’a pas pour cause l’air lui-même ; il s’explique par les mouvemens tourbillonnaires de la substance éthérée, par les chocs de celle-ci sur les molécules d’air. Leibniz s’étonne qu’un physicien de la valeur de Boyle ait cru pouvoir expliquer le ressort de l’air en assimilant ses molécules à des boucles laineuses ou à des spirales qui reprennent leur forme lorsqu’on les a comprimées : « Ce n’est pas par sa propre force qu’un ressort fléchi se débande », mais par un effet de la gravitation éthérée.

Pendant tout le XVIIIe siècle, le gros des physiciens suit le sentiment de Newton ; les actions à distance expliquent le pouvoir expansif des gaz, comme les autres phénomènes célestes et terrestres ; elles sont le fondement de cette théorie des fluides aériformes qui prendra son plein développement dans la Mécanique