Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 131.djvu/168

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

département résiderait un professeur d’agriculture. L’avantage de cette création est devenu bientôt si manifeste, qu’à côté des professeurs départementaux, on a nommé, dans un certain nombre d’arrondissemens, des professeurs spéciaux. Leur instruction est étendue, ils n’obtiennent leurs emplois qu’après un concours sévère ; outre renseignement régulier dont ils sont chargés dans les écoles normales d’instituteurs, ils parcourent le département, et professent le dimanche tantôt dans un village, tantôt dans un autre. Constamment en contact avec les cultivateurs, ils causent avec eux de leurs affaires, les conseillent, les guident et s’instruisent eux-mêmes des pratiques en usage dans le pays ; une sorte d’enseignement mutuel s’établit dans ces fréquentes rencontres, la science y perd ce qu’elle a de trop absolu, la pratique de trop étroit et, lentement sans doute, mais sûrement les saines méthodes se propagent.

Elles ne peuvent conduire qu’à un seul résultat : produire davantage, en d’autres termes, produire à meilleur compte, ou enfin abaisser le prix de revient.

On sait qu’on désigne sous ce nom le rapport des dépenses effectuées aux produits obtenus. Pour planter un hectare de pommes de terre, le fumer, le sarcler, récolter les tubercules, payer le propriétaire et le fisc, j’ai dépensé 500 francs ; j’ai planté la pomme de terre Chardon et j’ai obtenu 77 quintaux. Le prix de revient s’obtient en divisant 500 par 77 : on trouve 6 fr. 50 environ, mon prix de revient est supérieur au prix de vente : mon opération est ruineuse. Mais au lieu de Chardon, j’ai planté la Richter et j’ai récolté 400 quintaux ; le numérateur de ma fraction reste 500 francs, mais le dénominateur s’est accru, le rapport devient très faible, il n’est plus que de 1 fr. 25, j’ai donc diminué mon prix de revient et il semble que je doive me réjouir. — Insistons cependant. J’ai suivi les conseils qu’on m’a donnés, j’ai obtenu une récolte double ou triple de celle que j’avais naguère ; en suis-je plus avancé ? Mes voisins ont fait comme moi, nos récoltes se sont accrues toutes ensemble ; le marché va être encombré, les prix dérisoires, et nous ne trouvons aucun avantage à augmenter nos rendemens, puisque du même coup nous diminuons le prix de vente.

Il est incontestable que la baisse survient quand, à l’abondance des marchandises, ne correspond pas l’ouverture de nouveaux débouchés. Remarquons, toutefois, que les produits agricoles, les pommes de terre notamment, sont à la fois marchandises de vente et matières premières à transformer, que le bas prix ruineux dans un cas est avantageux dans l’autre. Or, nous l’avons dit, la pomme de terre fait la base de la nourriture des porcs.