dans la farce anglaise des qualités que ce genre ne connaissait pas : de l’habileté, du tact, de l’esprit, quelques fragmens de comédie et pas un seul calembour. L’auteur tient ses pantins fort adroitement suspendus au bout de ses doigts sans jamais embrouiller leurs ficelles. Mais si, en écoutant ou en lisant The Snowball, vous cherchez à y découvrir un seul trait de mœurs ou de caractère qui soit anglais, vous aurez beau guetter, il n’en sortira pas un.
Le succès, très mérité, du Snowball a retardé la carrière dramatique de M. Sydney Grundy, parce qu’il l’a condamné à l’adaptation — genre alors si ingrat ! — pendant de longues années. Mais ce temps de misère cul son bon côté, parce qu’il sut le mettre à profit, comme tel bon peintre qui, obligé de gagner sa vie en faisant des portraits, considère les bourgeois dont il reproduit les traits comme autant de modèles qui payent au lieu d’être payés. Tout en adaptant, M. Sydney Grundy apprenait de Scribe, de Labiche, de Sardou, la technique et les procédés de son métier. Je ne le suivrai pas dans le détail de ces besognes littéraires dont quelques-unes ont été fort humbles, mais dont aucune n’a été inutile. Fidèle à la méthode que l’étendue de mon sujet m’a imposée, et qui consiste à procéder par échantillons et par exemples, je choisirai un cas particulier[1] et typique, où se caractérise l’art patient, réfléchi et, sinon toujours heureux, du moins toujours consciencieux, de M. Sydney Grundy.
Dès 1877, il donnait au public anglais une version de Montjoye sous le titre de Mammon. Je suppose que la plupart des lecteurs ont présens à l’esprit les défauts et les qualités de la pièce française. Elle renferme des scènes fort spirituelles et d’autres qui ne laissent pas d’être touchantes. Mais qui pourrait supporter aujourd’hui ce Montjoye, qui rentre de faire la fête à sept heures du matin, comme un collégien en rupture de « bahut » et qui sacrifie sa grandeur financière, sa réputation et son repos à la moins entraînante des rastaquouères, escortée et aggravée d’un mari du Palais-Royal ? J’ai eu l’honneur de connaître personnellement Octave Feuillet. C’était, — j’écris ces mots avec une sympathie profonde, — un délicat, un nerveux, un solitaire. Ces choses, moitié brillantes, moitié grossières, de la vie mondaine et demi-mondaine de 1865, il les peignait de loin et « de chic ». Le type de Montjoye fût-il vrai alors, il a cessé de vivre, ou, s’il vit encore, je suis convaincu qu’il a cessé de plaire. Au surplus, peu importe
- ↑ J’aurais pu choisir et j’indique aux curieux une autre adaptation de Sydney Grundy : In honour bound, qui est, à la fois, un commentaire dramatique et une condensation en un acte d’Une Chaîne, de Scribe. C’est un travail remarquablement heureux et qui ne porte aucune trace apparente d’effort.