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qui ne fit que s’affirmer quand celui-ci eut obtenu le suprême pontificat. Elle en usa pour le plus grand avantage de sa famille. L’un des premiers actes du pape, et non le moins discuté, fut d’ouvrir les portes du Sacré-Collège au frère de la favorite alors âgé de vingt-cinq ans. Le consistoire dans lequel eut lieu cette promotion porte la date du 11 septembre 1493.

Bien que devenus Romains par adoption, les Farnèse ne s’étaient jamais fixés à Rome d’une façon stable. Au séjour de la grande ville ils préféraient celui de leurs domaines, situés pour la plupart dans la région sauvage qu’embellit le lac de Bolsena. Mais la dignité nouvelle dont il était revêtu créait au jeune Alexandre des devoirs nouveaux. L’ambition lui conseillait également de ne plus rester éloigné du centre d’où parlaient toutes les faveurs. Ces raisons étaient plus que suffisantes pour l’engager à se mettre en quête d’une demeure qui fût digne de son rang et de sa fortune. Il se peut que le pape ne lui ait pas refusé ses conseils dans cette circonstance, car le choix du cardinal tomba sur une maison dont Rodriguez Borgia avait dû souvent franchir le seuil quelque vingt ans plus tôt. La congrégation de Santa-Maria del Popolo en était propriétaire ; des pourparlers furent engagés ; les deux parties se mirent facilement d’accord ; le pape donna son consentement à la vente par l’entremise du cardinal de Lisbonne et, à la fin de janvier 1495, un contrat en bonne et due forme mit Farnèse en possession de l’immeuble.

Ce transfert de propriété donna lieu, comme de raison, à la rédaction d’un certain nombre d’actes qui dorment probablement dans les cartons poudreux de quelque étude de notaire parmi les paperasses inutiles, car je n’ai pu les retrouver dans l’Archivio notarile du Capitole, mais les copies ont passé à Naples avec les archives de la maison Farnèse et se trouvent à l’heure qu’il est au couvent de San-Severino où j’ai eu la bonne fortune de les découvrir. Comme tous les actes notariés du XVe siècle, les contrats qui nous occupent sont rédigés en latin avec une profusion de détails et un luxe de précautions juridiques qui font sourire, mais qui fournissent parfois, nous allons en avoir la preuve, des indications aussi précieuses qu’inattendues.

Tous les touristes connaissent la charmante église de Santa-Maria del Popolo. C’était le premier sanctuaire qui s’offrait aux yeux du voyageur arrivant du Nord, en poste ou en diligence, au moment où il franchissait l’enceinte de la ville éternelle. Sans importance avant l’avènement des Rovere, elle devint tout à coup l’objet d’une telle faveur que les nefs et le chœur étaient littéralement envahis à la fin du XVe siècle, et que ce fut à peine