Page:Revue des Deux Mondes - 1895 - tome 131.djvu/483

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
ESSAIS ET NOTICES

VICTOR COUSIN

M. Victor Cousin. Sa vie et sa correspondance, par J. Barthélémy Saint-Hilaire. 3 vol. in-8o ; Paris, Hachette et Alcan, 1895.

Le vivant portrait de Victor Cousin, placé par M. Barthélémy Saint-Hilaire au frontispice de son œuvre, donne bien l’idée de cette tête expressive, de ces traits mobiles, de ces yeux qui « lançaient des flammes. » Pour notre part, nous n’avons vu Cousin que deux fois, peu de temps avant sa mort ; tout à ses souvenirs, il nous par la longuement de sa jeunesse, de son séjour en Allemagne, de sa captivité, de Schelling et de Hegel, de ses fameuses leçons de 1828 : — « Si j’eusse été ministre à cette époque, j’aurais fait taire le professeur ; » cette phrase revenait volontiers sur sa bouche, mais il se faisait plus terrible qu’il ne l’était.

En somme, il semblait d’une grande bienveillance à l’égard de la jeunesse, prompt à encourager toutes les initiatives, un peu trop porté peut-être à leur marquer d’autorité un but et une direction, libéral pourtant et surtout d’un enthousiasme communicatif. On comprenait la grande action qu’il avait exercée, alors qu’il était à la fois plus maître de lui-même et des autres. C’est cette action, primitivement vivifiante, qui restera un de ses principaux titres de gloire. Dans ces dernières années, de très beaux livres lui ont été consacrés, par M. Paul Janet, par M. Jules Simon et, tout récemment, par M. Barthélémy Saint-Hilaire ; de leur lecture il ressort que Victor Cousin eut vraiment, dans la période romantique de sa vie, la « fièvre métaphysique », fièvre généreuse qu’il sut communiquer à la jeunesse de son temps et qui vaut mieux pour l’humanité que la froideur sceptique des esprits positifs.

L’œuvre considérable que vient de publier M. Barthélémy Saint-Hilaire, toute pleine de documens inédits et d’une lecture attachante, nous semble bien près d’être définitive. Bienveillante assurément, mais juste et impartiale, cette étude, où l’auteur n’avance rien sans preuve, où il laisse parler les faits et les hommes, est propre à rétablir la vérité