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Quant à l’empereur Mommou (697-708), il eut la gloire de laisser après lui deux codes qui ont traversé les siècles et qui étaient encore, il y a vingt ans, étudiés dans les écoles japonaises, sinon en vue d’une application pratique, du moins comme le monument le plus remarquable de la sagesse antique. Si apparentes que soient à nos yeux leurs imperfections, ce n’est pas un mince mérite, ni très commun, d’avoir pendant dix siècles inspiré ce respect à une nation cultivée et formé la base de son état social. L’un d’eux contient ce qu’on pourrait appeler le droit administratif de l’époque et une partie du droit civil, l’autre la législation criminelle.

À ce moment, la révolution peut être considérée comme achevée. Grâce aux documens qui subsistent, il est possible de se faire une idée assez précise des résultats qu’elle avait produits.


II

Voyons d’abord comment fonctionnaient les organes essentiels de toute société : la famille, la propriété et l’Etat.

La famille se recrutait par le mariage légitime, par le concubinat et par l’adoption. L’analogie de cette organisation avec celle de la famille romaine ne peut manquer de frapper les historiens.

Le mariage était, semble-t-il, un contrat privé, c’est-à-dire à la formation duquel les pouvoirs publics ne présidaient pas. La loi n’y intervenait que pour exiger certaines conditions, comme l’âge de quinze ans pour l’homme, de treize pour la femme, et l’autorisation des ascendans ; pour prohiber la bigamie; enfin pour punir sévèrement l’adultère et n’autoriser la répudiation que sous certaines réserves. Le concubinat était, comme à Rome, une union reconnue par la loi, mais inférieure au mariage légitime. L’épouse en titre, maîtresse de la maison, avec l’autorité et la dignité naturellement attachées à cette fonction, primait les concubines, qui n’étaient que ses servantes; et la loi veillait à ce que le mari n’intervertît pas les rôles. L’adoption, sans avoir alors l’importance qu’elle prit plus tard, intervenait pour donner à la famille un chef lorsqu’il le fallait.

A la mort du père, ses biens se répartissaient également entre ses enfans légitimes mâles ; les filles et les enfans de concubines prenaient une part moindre. Le droit d’aînesse (qui, à partir du XIIIe siècle, devait se généraliser) n’existait alors que pour les maisons nobles.