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n’est pas tout à fait celle que l’auteur eût attendue. Chaque jour ce malentendu entre l’auteur et son public se fût accusé ; M. Wilde eût appris à ses dépens que la première qualité pour faire du théâtre c’est de croire au théâtre. À moins d’une radicale transformation, ce talent était frappé d’impuissance et touchait à un déclin prématuré. En tout cas, ce n’est pas lui, assurément, qui eût renouvelé le théâtre. Il l’eût plutôt ramené dans les vieilles ornières où le drame s’est tant de fois embourbé, et d’où Ibsen l’a tiré : l’exagération des sentimens et l’abus de l’humour. C’est à des hommes d’un tout autre tempérament qu’appartient l’avenir de la scène. Il y a un groupe d’écrivains qui se tiennent sur les confins du drame et du mélodrame, tiraillés entre l’ambition littéraire et le désir, très naturel, de gagner de l’argent. Que feront-ils ? Seront-ils des ouvriers ou des artistes ? descendront-ils vers le métier ? s’élèveront-ils vers l’art ? Il en est plusieurs que sir Augustus Harris a dévorés et qu’il ne nous rendra pas.

Je me rappelle les espérances que donnait M. Buchanan. Mais à force d’espérer… Oronte lui dira le reste. Le cas de M. G. R. Sims est différent. Celui-là n’a pas eu à apostasier ; il est resté ce qu’il était, il a donné ce qu’il devait donner. Conteur, journaliste ou dramaturge, c’est un improvisateur et un observateur, qui ne vise pas très haut, mais qui a une sorte d’imagination et d’humeur populaire, avec une touche de zolaïsme. Par-dessus tout, il est cockney et rien de ce qui est cockney ne lui est étranger. Le seul drame de ce temps où l’on sente vraiment, comme dirait le maître de Médan, l’odeur de l’hast End, c’est The Lights of London, et c’est sans doute pour cela que tous les directeurs de Londres, l’un après l’autre, l’ont poliment rendu à M. Sims « avec leurs remerciemens. » The Lights of London a, cependant, fini par être joué et a obtenu un énorme succès, mais ç’a été un succès sans lendemain. Ce n’est pas, comme on l’a vu, vers le réalisme que s’oriente le drame anglais.

Qui prendra la tête parmi les jeunes ? Qui nous écrira demain des Judah et des Mrs Tanqueray ? Sera-ce M. Louis Parker, M. Malcolm Watson, M. J. M. Barric ? Sera-ce M. Carton, l’auteur de cette aimable pièce, Liberty hall, un des succès de la mémorable année 1893 qui marque, a l’étiage de la critique, le point le plus haut atteint par le drame dans sa marche progressive ? Sera-ce M. Haddon Chambers qui est déjà connu à Paris puisqu’un de ses ouvrages, The Fatal Card, a passé le détroit ? Depuis, il a donné au Haymarket (novembre 1894) une pièce intitulée John-a-Dreams, où Mrs Patrick Campbell et M. Tree unissaient