qu’au point de vue du bon fonctionnement de la chose publique, et absorbant par principe le citoyen dans la cité.
La théorie ne serait pas absolument neuve. On en pourrait au moins dire ce que nous disions plus haut de la haine de l’argent. Présentée avec quelque rigueur systématique, comme si elle émanait d’une forte conviction personnelle, elle vaudrait d’être analysée et mise en discussion. Malheureusement, du plus rapide examen, il semble bien résulter que M. René Doumic a prêté à l’original de son portrait des qualités de théoricien qu’il ne justifie guère ; son anti-individualisme existe peut-être, vaguement indiqué dans une moitié de son couvre ; il se trouve, en revanche, formellement démenti dans l’autre.
Le culte de la loi, le respect de l’ordre établi se rencontrent bien par intermittence, quand l’occasion s’offre de placer une scène à effet. Seulement, Augier n’hésitera jamais à se contredire, non point par hypocrisie, non point par scepticisme, mais simplement par incapacité philosophique, par absence d’idées : « Et le Code pénal ? » dit un personnage du Mariage d’Olympeau marquis de Puygiron qui ne rêve rien moins que de « tordre le cou » aux aventurières qui épousent des fils de famille. « Le Code pénal ! répond le vertueux marquis, je m’en moquerais bien en pareille circonstance. Si vos lois ont une lacune par où la honte puisse impunément s’introduire dans les maisons, s’il est permis à une fille perdue de voler l’Honneur de toute une famille sur le dos d’un jeune homme ivre, c’est le devoir du père, sinon son droit, d’arracher son nom au voleur, fût-il collé à sa peau comme une tunique de Nessus. Tout souci de style mis à part, le droit revendiqué ici s’appelle proprement le droit de se faire justice soi-même. La pure doctrine anarchiste ne, demande pas davantage.
Ce qui peut faire illusion, c’est l’intransigeance inaltérable du dramaturge dès qu’il touche à la question des rapports des sexes. Encore faut-il laisser de côté ses dernières pièces, Madame Caverlet et les Fourchambault. Mais, en dehors de ces deux œuvres, l’opinion de l’écrivain ne varie pas ; depuis la Ciguë jusqu’à Jean de Thommeray, son théâtre n’est qu’un hymne perpétuel à la gloire du mariage ; ni l’amour, ni la passion, dans aucune circonstance, ne s’excusent, s’ils n’ont été estampillés par l’officier de l’état civil, et, à, plus forte raison, s’ils entraînent un manquement à la loi conjugale. En ces matières, le bonheur, la liberté, la volonté des individus semblent être en effet impitoyablement subordonnés par le moraliste aux nécessités de l’ordre social.
Nous disons « qu’ils semblent l’être » ; en réalité, nous n’affirmerions rien. Si l’on excepte une phrase assez peu concluante