jusque-là : racheter les réseaux des compagnies, ou étendre leurs concessions. La première devenait impossible ; la seconde s’imposait.
On avait follement perdu de vue les inconvéniens des emprunts d’Etat à jet continu, quand, dans les années de prospérité, on avait créé le budget extraordinaire, puis on l’avait porté, en 1881, 1882 et 1883, à 600 ou 700 millions par an, dont la moitié était affectée aux chemins de fer, le reste se partageant entre les dépenses militaires et la navigation. Peut-être s’exagéra-t-on la difficulté de continuer les travaux avec les ressources de l’Etat, après la crise. Ce qu’il fallait surtout, au point de vue financier, c’était enrayer les dépenses, de quelque façon que l’on dût y faire face. Or, l’évaluation révisée des travaux prévus en 1879, pour les chemins de fer, portait la dépense totale à 6 milliards et demi, dont un milliard seulement à fournir par les compagnies ; sur les 5 milliards et demi incombant à l’Etat, moins d’un cinquième était déjà dépensé. D’autre part, les Chambres ne pouvaient admettre l’idée de l’arrêt, ou même d’un trop grand ralentissement des travaux. C’est ainsi que l’Etat, après avoir refusé de traiter avec les compagnies quand il était maître de la situation, en vint à leur adresser un pressant appel, pour le tirer lui-même des embarras où il s’était mis, en acceptant d’urgence des concessions aussi étendues que peu productives. Il est facile, aujourd’hui, de critiquer sur bien des points les conventions de 1883. On oublie trop, quand on le fait, dans quelle situation se trouvaient ceux qui les ont conclues.
La clause essentielle des conventions, celle en vue de laquelle la Chambre les vota, malgré sa répugnance, c’est l’incorporation, dans les grands réseaux, de la majeure partie des lignes non concédées, construites, en construction ou simplement classées.
En réalisant cette incorporation, les conventions assurent les voies et moyens d’exécution des lignes neuves, par le concours de l’Etat et des compagnies ; la part contributive de l’Etat lui sera avancée par les compagnies, à qui elle sera remboursée au moyen d’annuités ; celle des compagnies s’ajoutera au capital garanti. La garantie d’intérêts est maintenue, mais les bases en sont simplifiées, et des mesures temporaires sont prises, pour que les charges nouvelles assumées par les compagnies ne l’accroissent pas dans les premières années. Enfin, comme compensation à ces charges, les compagnies obtiennent divers avantages, les uns communs à toutes, les autres spéciaux à quelques-unes