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l’année. Contentons-nous donc d’ajouter qu’il renferme quarante merveilleuses héliogravures, d’une parfaite exécution, d’après les plus remarquables tableaux de la galerie de Chantilly.

Versailles ! Chantilly ! à quels rapprochement ne prêteraient pas ces deux mots ? Chantilly clame la gloire des Condé comme Versailles celle de Louis XIV : depuis les peintures des plafonds jusqu’aux bronzes, aux bas-reliefs, aux marbres allégoriques des jardins ou des parterres d’eau, tout n’y parle-t-il pas du Grand Roi ? Ici il commande tout le reste du siècle comme il domine Versailles du haut de la cour du château ; il y apparaît non seulement vivant dans les Mémoires des contemporains, mais au milieu de toutes les manifestations des arts qui contribuent à sa gloire. La vie privée de Louis XIV et de sa cour, de son règne et de son temps tiennent la plus grande place dans le luxueux volume, aux magnifiques gravures faites d’après les originaux des musées ou des collections particulières, intitulé le Grand Siècle[1], et pouvait-il en être autrement puisque, comme l’a écrit Voltaire, « le roi y mit tant d’éclat et de magnificence que les moindres détails de sa vie semblent intéresser la postérité ainsi qu’ils étaient l’objet de la curiosité de toutes les cours d’Europe et de tous les contemporains ? »

C’est encore servir la cause des) arts du dessin, dont l’orfèvrerie relève directement, que d’éditer un ouvrage comme cette savante et si curieuse Histoire de l’Orfèvrerie française[2], par M. Henri Havard, qui n’est pas seulement une œuvre de luxe et d’un luxe élevé, mais surtout un livre de haut enseignement, puisque, depuis l’origine et à toutes les époques, l’orfèvrerie, cet art somptuaire qui n’est destiné qu’à satisfaire les caprices de l’opulence, s’est conformée à l’idéal des peuples, qu’il a su se plier à toutes les transformations du goût, à toutes les fluctuations de la mode, si bien que l’étude de ses ouvrages les plus caractéristiques offre comme un tableau abrégé de l’histoire générale de la civilisation dans tous les temps et dans tous les pays. Son apparition coïncide avec la mise en œuvre des métaux, et, on l’a dit avec raison, elle doit son origine à deux passions aussi vieilles que l’humanité elle-même : la coquetterie de la femme et la vanité masculine. Pour les satisfaire, embellir la personne ou la demeure, l’or et l’argent, assouplis et dociles, rehaussés d’émaux, de gemmes, d’incrustations, revêtiront les formes les plus nobles et les plus variées. En regardant tous ces beaux modèles de l’orfèvrerie des époques mérovingienne, carolingienne, du moyen âge, de la Renaissance, tous ces objets ingénieux trouvés sur tous les points de la France, on se pénètre mieux de toutes ces époques, et l’on souhaite qu’à leur tour

  1. Le Grand Siècle. — Louis XIV, les Arts, les Idées, par M. Emile Bourgeois, 1 vol. gr. in-8o, illustré de 500 gravures et 22 planches en taille-douce ; Hachette.
  2. Histoire de l’Orfèvrerie française, par M. Henry Havard, 1 vol. in-4o ; May et Motteroz.